Bumpy Johnson

Bumpy Johnson : Le Parrain de Harlem

Sommaire

Al Capone a peut-être régné en maître sur Chicago.
Lucky Luciano a peut-être dirigé la quasi-totalité de New York.
Mais lorsqu’il s’agissait de Harlem, vous n’aviez pas d’autres choix que de traiter avec Bumpy Johnson.

Ce nom ne vous dit probablement rien et pourtant, ce fut l’un des gangsters les plus marquants de l’histoire de la pègre américaine.
Il était considéré comme le parrain de Harlem des années 30 à 60, un quartier du nord de Manhattan où il contrôlait tout.

Vous vouliez ouvrir un business de jeu ? Vous deviez passer par Bumpy.
Vous vouliez ouvrir un bar clandestin ? Vous deviez passer par Bumpy.
Vous vouliez faire quoi que ce soit d’illégal à Harlem ? Vous deviez passer par Bumpy.

Frank Lucas (célèbre trafiquant de drogue interprété par Denzel Washington dans le film American Gangster), qui était un de ses hommes de main, disait :

« Si vous vouliez faire des affaires à Harlem, vous les faisiez avec Bumpy Johnson, ou vous étiez mort ».

En cas de besoin, la police et les politiciens s’adressaient à lui et même la mafia passait par l’intermédiaire de Bumpy pour faire affaire. Aucun autre gangster afro-américain de l’époque n’a pu se targuer d’en avoir fait autant.

Dans une période où les discriminations raciales étaient très marquées, en tant que Noir, il fallait se frayer un chemin et franchir les obstacles pour espérer avoir une part du gâteau et goûter au rêve américain, et ce, même dans le monde de la pègre.

Bumpy a été l’exception qui confirme la règle, mais avant de devenir le « Parrain de Harlem », il commença, comme beaucoup d’autres, au plus bas de l’échelle.

Je vous propose ici de découvrir son histoire.

Petit mais coriace

Bumpy, de son vrai nom Ellsworth Raymond Johnson, est né le 31 octobre 1905 à Charleston en Caroline du Sud. La ségrégation raciale étant en vigueur à cette époque aux États-Unis, sa famille s’est installée dans le quartier noir de la ville.

Les Johnson sont une famille modeste. Ils sont respectés dans leur communauté et, étant très religieux, ils vont régulièrement à l’église.

Le père, William, est pêcheur, tandis que la mère, Margaret, travaille en tant qu’employée de maison.

Monsieur et madame Johnson ont huit enfants :

  • Margie
  • Priscilla
  • Pauline
  • Willie
  • Mabel
  • Lena
  • Elease
  • Et enfin, Ellsworth (appelé Bumpy, un surnom qu’il gardera tout au long de sa vie en raison d’une bosse à l’arrière de son crâne).

Une famille noire durant la ségrégation

Image d’illustration d’une famille noire durant la ségrégation aux États-Unis.

 

Vers l’âge de 1 ou 2 ans, Bumpy vit toute l’année avec son père et son frère Willie. La raison, c’est que sa mère cumule deux emplois : l’un à Charleston (le lieu de résidence de la famille Johnson), et l’autre à New York.

Là-bas, elle a emmené avec elle ses trois filles aînées (Pauline, Mabel et Lena) pour l’aider dans son travail d’employée de maison.

Même si elle rentrait à Charleston à chaque fois qu’elle avait terminé son travail saisonnier à New York, son absence du foyer familial créera un manque chez le jeune Bumpy, qui cherchera une figure maternelle auprès d’une de ses sœurs aînées.

À l’école, on disait qu’il était extrêmement intelligent et loquace, si bien qu’il avait sauté deux classes à l’école publique de Charleston.

Paradoxalement, il ne terminera jamais le lycée. Une honte pour Bumpy, lui qui avait été élevé dans une famille qui mettait beaucoup l’accent sur l’éducation.

De ce fait, il n’hésita pas à mentir en disant avoir fréquenté un établissement scolaire réputé de Charleston (institut où les enfants des familles noires les plus riches étudiaient) ; ou alors, il disait fréquenter une prestigieuse université de New York.
Il était cependant si malin et si intelligent que personne ne protestait lorsqu’il disait avoir fait des études supérieures.

Bumpy avait de plus un côté rebelle et était toujours très sensible aux préjudices raciaux subis par les Noirs dans le Sud ségrégationniste.

D’ailleurs, sa famille se retrouva dans la tourmente en raison de ces discriminations raciales lorsqu’il atteint l’âge de 10 ans.

À l’époque, Willie, son grand frère de 19 ans, est en effet accusé d’avoir tué un homme blanc en Caroline du Sud (État dont les habitants étaient connus pour prendre les choses en main lorsqu’un Noir commettait une infraction contre un Blanc).

Le lynchage atroce de Kitt Bookard, en 1904 dans le comté de Berkeley, comté situé à environ 60 km du lieu de résidence des Johnson, en est alors le parfait exemple.

Kitt Bookard, un jeune homme noir de 21 ans, va pêcher un jour avec 6 hommes blancs. Mais sur le chemin du retour, une dispute éclate entre Bookard et l’un de ces hommes. Bookard menace de le cogner, apparemment l’homme aurait frappé sa petite sœur et il voulait se venger.

Une vengeance qu’il ne pourra cependant assouvir puisque de retour en ville, il est arrêté à cause de cette querelle, et est obligé de payer une amende de 5 dollars. Le truc c’est qu’il n’a pas l’argent pour s’en acquitter.
Il est alors jeté en prison, mais là-bas, un groupe d’hommes blancs exige qu’il leur soit remis, et c’est là que tout dégénère.

Ils l’emmènent au bord d’une rivière et le torturent : ils le scalpent, lui crèvent les yeux, lui coupent les parties génitales et la langue, puis l’attachent à une grille et le jettent dans la rivière pour le noyer.

De toutes les personnes responsables de ce crime, aucune ne sera traduite en justice.

Du coup, lorsque Willie le grand frère de Bumpy rentre chez lui et annonce à sa famille qu’il est accusé d’avoir tué un homme blanc, les Johnson paniquent.

Ils veulent sauver leur fils d’un possible lynchage, alors ils le font rapidement sortir de la ville et l’envoient à New York, où vivent déjà Margie et Pauline.

Bumpy les rejoint plus tard, en 1919.
Son père s’est en effet arrangé pour l’envoyer chez sa sœur aînée Mabel qui vit à Harlem, espérant lui donner l’opportunité d’une meilleure vie.

À ce moment-là, Bumpy a 14 ans et il est plutôt petit pour son âge. Une petite taille qu’il compense avec son tempérament de dur à cuire.

Mais parfois, cela ne suffit pas et Bumpy devient alors la cible des brutes de son quartier.

Une de ces altercations se produit lors de son premier jour d’école à Harlem.

Il n’est qu’à deux pâtés de maisons de son établissement scolaire lorsqu’il croise six autres adolescents au coin de la rue en train de lancer des dés contre un bâtiment.

Il ralentit et jette un coup d’œil puis, au moment de repartir, il entend un des jeunes l’interpeler et sent qu’on lui attrape le bras :

« Hé toi ! Paysan ! Qu’est-ce que tu as dans ta poche ?

– Ma main, dit rapidement Bumpy. Pourquoi ? Ça te pose un problème ?

– Oh, le campagnard a de la gueule, dit en riant l’une des brutes, nommée Junie.

– Eh bien, sors ta main de ta poche et laisse-moi voir ce qu’il y a d’autre là-dedans, dit ensuite un autre jeune, surnommé Six-n-Eight en se rapprochant.

– Mec, tu vas le regretter, dit Bumpy d’une voix calme. Parce que si je la sors, je vais la frapper contre ta tête.

Pendant ce temps-là, les autres garçons parient sur le futur vainqueur du combat entre Six et Bumpy.

Ainsi, Finley parie sur Six, tandis qu’un autre, nommé, Nat mise son argent sur Bumpy.

C’est Six qui donne le premier coup de poing. Il vise le menton de Bumpy, mais ne le touche pas. Bumpy, étant plus petit et aussi le plus rapide, l’esquive facilement, ce qui déséquilibre son adversaire.

Puis il sort effectivement sa main de sa poche et, comme il l’a promis, Six allait le regretter. Son poing atterrit en plein milieu de son visage et Six, le nez cassé, tombe à genoux pendant que du sang gicle un peu partout.

Puis le deuxième coup de poing de Bumpy s’abat dans le flanc de son ennemi, ce qui l’affaiblit encore plus.

Six n’est pourtant toujours pas au tapis, il s’agrippe au pantalon de Bumpy pour essayer de se relever.

Mais Bumpy le frappe à nouveau, sauf que cette fois-ci, lorsqu’il le touche, des pièces d’argent tombent de son poing et se répandent sur le sol.

Finley, qui avait parié sur Six, voit alors la triche et crie :

« Ce n’est pas juste ! Il se bat de façon déloyale ! »

De son côté, Bumpy continue à enchaîner les coups de poing sur son adversaire.

Il réussit finalement à lui faire relâcher sa prise sur son pantalon et le met au tapis en lui donnant un violent coup de pied entre les jambes.

Il semble cependant que Bumpy n’en ait pas fini, puisque, à ce moment-là, il veut lancer un autre coup de pied sur la tête de Six.

Mais avant qu’il ne puisse le faire, une main saisit l’arrière de son col, et il se retrouve projeté contre une voiture :

« Ok, petit négro. Tu m’as déjà fait gagner mon pari, mais je ne peux pas te laisser tuer mon gars ici, dit Nat.

– Va te faire foutre, réplique Bumpy qui veut maintenant se battre contre Nat.

Nat sourit et répond à Bumpy en s’éloignant petit à petit de lui :

« Je ne vais pas me battre contre toi, mec. Comme je l’ai dit, tu m’as fait gagner mon pari […] Et sois content qu’il y ait eu de l’argent en jeu dans ce combat, sinon on t’aurait tous sauté dessus.

C’est maintenant au tour de Bumpy de sourire :

« Et je vous aurais tous botté le cul. Et je le ferai encore !

Après ça, Bumpy, Nat, Finley et Junie, ont sympathisé et sont devenus les meilleurs amis. Une amitié qui allait durer jusqu’à la fin de leur vie.

Bumpy Johnson jeune

Portrait de Bumpy Johnson jeune.

 

Suite à cette rencontre, Bumpy ne mettra toutefois plus jamais les pieds à l’école.

Tous les matins, il quittait l’appartement de sa sœur Mabel pour aller retrouver ses nouveaux amis. Ils sortaient pour essayer de gagner de l’argent en jouant au billard, au craps ou en vendant des journaux.

Puis ils ont commencé à balayer les trottoirs devant certains commerces de Harlem, et ils ont gagné encore plus d’argent.

Bumpy était clairement le cerveau de la bande, il ne lui a d’ailleurs pas fallu longtemps pour réaliser que lui et ses amis pouvaient gagner encore plus, en offrant notamment leur protection à certains des nouveaux magasins du quartier.

Et c’est de cette façon qu’il a rencontré Bub Hewlett.

Bub Hewlett faisait partie de ces voyous intrépides d’Harlem qui ne marchaient jamais sans un couteau, une batte de baseball ou un flingue à la main. Toutes les excuses étaient bonnes pour utiliser leurs armes contre la police ou les gangsters irlandais qui osaient mettre un pied sur leur territoire.

De tous ces malfrats, Bub était alors le plus violent.

Du haut de son mètre 85 et son gabarit imposant, il était le genre de type auquel il ne fallait pas chercher d’ennuis.

Bub gagnait sa vie en soutirant de l’argent aux commerces du coin en échange d’une protection contre les voyous locaux.

C’est ainsi qu’un beau jour, lui et Bumpy se sont rencontrés.

C’est arrivé à un moment où Bub entend parler de l’ouverture d’une épicerie sur la septième Avenue. Il se rend sur place pour offrir ses services de protection, mais à sa grande surprise, le propriétaire du magasin lui dit qu’il a déjà payé pour sa protection et désigne alors Bumpy, appuyé sur la Lincoln noire de Bub, les bras croisés et le fixant intensément à travers la vitrine du magasin.

« Ce petit négro ? » dit Bub en riant au commerçant.

(À l’époque, Bumpy a 16 ans et s’apprête à faire face à un caïd de presque deux fois son âge et, qui plus est, le dépasse d’une bonne dizaine de centimètres).

« Descends de ma voiture, petit négro, lui demande Bub une fois dehors. Tu sais qui je suis ?

– Ouais, je sais. Tu es Bub Hewlett, dit Bumpy en se relevant lentement de la voiture de Bub. Maintenant, je ne suis plus sur ta voiture. Alors, fous le camp de mon quartier.

– Ton quartier ? demande Bub. Comment ça ton quartier ?

– Parce que moi et mes gars, on l’a revendiqué. Du moins, on a revendiqué ce magasin, répond Bumpy d’une voix inébranlable.

À cet instant, Bub aurait très bien pu mettre le jeune Bumpy KO d’un seul coup de poing, mais il avait apprécié le culot du gamin. Alors, il lui a proposé de devenir partenaires, et c’est ainsi que Bumpy a pu entamer son ascension dans la pègre de Harlem.

Cela faisait maintenant plusieurs mois que Bumpy n’allait plus à l’école ; sa sœur Mabel était inquiète et insistait chaque jour pour qu’il y retourne. Mais en voyant tout l’argent qu’il rapportait à la maison, elle le laissait de plus en plus tranquille.

Au cours des années 1920, Bumpy Johnson et sa bande gagnaient dès lors leur pain grâce au racket en tout genre, mais aussi aux cambriolages.

Ils ne se contentaient plus désormais de protéger les propriétaires d’épiceries ou de restaurants, ils étendaient également leur protection aux propriétaires de clubs et de bars clandestins.

À cette période, Bub Hewlett, qui s’était entre-temps pris d’affection pour Bumpy, lui a proposé à lui et à sa bande de se diversifier en offrant une protection aux propriétaires de loteries clandestines de Harlem.

Certains de ces propriétaires comptaient parmi les plus riches du quartier, leurs revenus se chiffraient en plusieurs milliers de dollars par semaine non imposables.

Ces types ne lésinaient quand il s’agissait de protéger leur argent, ils cherchaient les gardes du corps les plus coriaces du coin. Bumpy avait alors sauté sur l’occasion pour s’enrichir davantage.
Dès lors, il était très vite devenu l’un des meilleurs dans ce domaine, à tel point qu’il était l’un des gardes du corps les plus demandés de Harlem.

Sa réputation croissait de jour en jour, et elle allait bientôt décoller grâce à celle que l’on surnommait à l’époque « La Reine de la loterie clandestine », j’ai nommé : Stéphanie St. Clair.

Bub Hewlett

Photo de Bub Hewlett.

Stéphanie St. Clair

Stéphanie St. Clair.

Guerre à Harlem

Stéphanie St. Clair était une chef de gang d’origine française à Harlem. Elle évoluait dans le business du jeu et dans les années 1920, elle avait réussi à développer un vaste empire criminel dans le quartier.

Elle avait engagé Bumpy pour protéger l’une de ses nombreuses loteries clandestines.
Impressionnée par ses aptitudes de protection, elle avait même fait de lui son garde du corps personnel.
Bumpy l’escortait par exemple lorsqu’elle allait voir des pièces de théâtre. De là, une amitié s’est très vite nouée entre les deux.

Chez St. Clair, Bumpy admirait sa classe, mais aussi le fait qu’elle était toujours prête à se battre pour protéger ce qui lui appartenaient.
Ce qui s’était produit dans les années 1930, lorsque la mafia a voulu obtenir une part du gâteau du business du jeu à Harlem.

La loterie clandestine rapportait en effet beaucoup dans cette partie de New York, et il était donc normal pour la mafia de vouloir s’en mêler.

C’est Dutch Schultz, un gangster en lien avec les cinq familles de New York, qui s’était chargé de cette affaire.

Dutch Schultz

Dutch Schultz.

 

Schultz opérait dans le Bronx et avait fait fortune grâce à la contrebande d’alcool durant la prohibition.
En 1933, la prohibition étant abrogée, il n’a pas d’autre choix que de trouver d’autres sources de revenus. Pour développer son empire, il se tourne par conséquent vers une affaire on ne peut plus juteuse : la loterie clandestine de Harlem.

Nous sommes en pleine Grande Dépression et à l’époque, un jeu d’argent illégal s’est implanté un peu partout à Harlem : le jeu des nombres.
Le jeu des nombres était en quelque sorte la loterie du pauvre : le parieur devait choisir trois numéros, et si le lendemain, ses chiffres étaient tirés, alors il remportait un gain en fonction de ce qu’il avait misé.

Il vous suffisait par exemple de parier 1 dollar pour espérer en obtenir 600.

La tentation de jouer était donc immense pour les habitants de Harlem, qui ne gagnaient en général que 10 à 15 dollars par semaine.

Ce business rapportait au début des années 30 plus de 50 millions de dollars par an, une somme énorme quand on sait que le pays était en plein marasme économique.
Certains des propriétaires de ces loteries gagnaient plus que le président américain lui-même, c’est vous dire.

Il n’a donc pas fallu longtemps à Dutch Schultz pour prendre connaissance de cette opportunité.

Son but était de se réserver une part du gâteau, et quand vous connaissiez le personnage, vous saviez que vous deviez prendre cette menace au sérieux.

Schultz était un paranoïaque.
Il pouvait tuer par pur plaisir, et répondait à tout par la violence.
Il lui était par exemple déjà arrivé avec ses hommes de battre un type quasiment à mort, de l’attacher et de lui bander les yeux avec un vêtement infecté par une MST, le rendant dès lors aveugle…

St. Clair avait donc clairement du souci à se faire.

Schultz avait commencé à envoyer ses hommes à Harlem pour dire aux propriétaires de loteries qu’il était prêt à se joindre à leurs opérations. En échange, il s’arrangeait pour qu’ils n’aient pas de problèmes avec la police, et il leur fournissait également une protection, notamment contre le kidnapping (menace qui était en réalité perpétrée par ses propres hommes).

De là, il a pu s’implanter dans le business du jeu à Harlem, et son empire s’est considérablement développé, ce qui ne faisait pas l’affaire de St. Clair.
La guerre entre les deux clans était ainsi inévitable.

Bumpy lui, était toujours sous les ordres St. Clair.
Entre-temps, dans les années 20, il s’était fait arrêter quelques fois.

Il avait notamment été envoyé en prison pour cambriolage, faisant deux ans sur les dix préalablement prévus.
Il a été ensuite condamné en 1927 à deux ans supplémentaire pour agression.
Pour enfin y retourner aussitôt après une condamnation pour vol.

Et c’est une fois après avoir purgé cette peine que les choses sérieuses ont véritablement commencer pour lui.

Bumpy Johnson photo d'identité judiciaire

Photographie d’identité judiciaire de Bumpy Johnson.

 

Nous sommes à la fin de l’année 1931.

Bumpy sort de prison, après avoir purgé une peine de deux ans et demi.

Pendant son absence, Stéphanie St. Clair avait reçu la visite de Bub Hewlett, qui travaillait à présent pour Schultz. Bub voulait convaincre St. Clair de rejoindre leur organisation, qui comprenait dorénavant la plupart des propriétaires de loteries de Harlem.

Une proposition qui l’avait rendu furieuse.

Il faut dire que la pression sur son clan devenait de plus en plus forte : depuis son différend avec Schultz, elle et ses hommes étaient la cible régulière de fusillades en voiture, ses employés se faisaient sauvagement frapper et étaient même menacés du pire s’ils avaient le malheur de continuer à travailler pour elle.

Mais malgré tous ces ennuis, St. Clair avait jusque-là réussi à maintenir son empire du jeu, à une échelle toutefois plus réduite.

Beaucoup de ses hommes étaient en effet restés fidèles à « la reine de Harlem ».

Elle savait les motiver, et leur disait par exemple :

« Quel genre d’homme abandonnerait une femme dans un combat ? »

Beaucoup n’ont cependant pas pu résister aux lourdes pressions exercées par Schultz et ses hommes. Ils avaient essayé de tenir le plus longtemps possible, mais les menaces incessantes avaient fini par avoir raison de leur désir de continuer à travailler pour St. Clair.

Elle était alors dos au mur, mais il lui restait un espoir.

Elle savait qu’une de ses connaissances allait revenir à Harlem d’ici peu, et que cette connaissance était toujours prête à se battre, surtout lorsqu’un homme blanc essayait de prendre quelque chose aux Noirs : Bumpy était sur le point de faire son retour.

Cela faisait seulement deux jours que Bumpy était sorti de prison.

Âgé de 25 ans, il retournait dans les rues de Harlem.
À ce moment-là, il revoit Bub Hewlett dans un bar. Ce dernier lui tape sur l’épaule :

« Je vois que tu es rentré. Bienvenue à la maison. Alors, comment t’ont-ils traité là-bas ?

– Comment tu crois ? répond Bumpy.

– Comme de la merde ?

– Eh bien, tu as raison.

Tous deux se mirent à rire.
Pourtant, ce qu’il y avait en jeu était tout sauf drôle.

Tout le monde à Harlem savait en effet que Bub travaillait pour Schultz et qu’il allait tenter de convaincre Bumpy de travailler avec lui.
Le truc, c’est que tout le monde savait aussi que St. Clair voulait faire de Bumpy son allié dans cette guerre.
Les gens se demandaient du coup dans quel camp Bumpy allait se ranger.

Bub poursuivit en disant à Bumpy qu’il avait du travail pour lui :

« Ah oui ? Quoi ? demanda Bumpy.

– La même chose que tu faisais avant de quitter la rue. Je garde les gens dans le droit chemin, et je m’assure qu’ils font ce qu’ils sont censés faire.

– Et ce qu’ils ne sont pas censés faire, c’est écrire des numéros pour une autre personne que ce juif de Schultz, hein ?

Là, Bub le regarde avec étonnement :

– T’es au courant alors ?

Bumpy hoche la tête :

– Oui, j’ai été mis au courant en taule. On dit que le Juif s’est emparé des loteries à Harlem. Il aurait même engagé des traîtres de couleur pour tabasser d’autres personnes de couleur. T’as entendu quelque chose à ce sujet ?

– T’es grand maintenant, p’tit négro ? Parce qu’on dirait que tu te sens plus là.

Bumpy secoue la tête :

– Quoi, c’est parce que t’es grand que tu crois que tu vas m’intimider ?

– Non, je n’essaie pas de te mettre à l’épreuve. […] Je ne suis pas dans la merde, et je ne vois aucune raison de m’y mettre maintenant, dit Bub avec un sourire.

– C’est bon à entendre. En tout cas, pas pour l’instant.

– Qu’est-ce que ça veut dire ? demande Bub.

– Ça veut dire que ça ne fait que deux jours que je suis sorti de prison et que je dois évaluer le terrain pour savoir ce que je dois faire.

– Si tu travailles pour Dutch, je peux te garantir 200 $ par semaine.

– J’ai entendu dire que tu étais payé 300 $.

Bub se met à rire à ce moment-là :

« Oh, alors maintenant tu penses que tu devrais gagner autant que moi ? Je te l’ai dit, tu te sens plus mec. Mais t’es un mec bien. Laisse-moi parler à Schultz et voir ce qu’il a à dire. Je suis sûr qu’on peut trouver une solution ».

Bumpy secoue la tête :

– Non, ne fais pas ça. Je ne me vois pas prendre le parti de l’homme blanc contre l’homme noir. Fais ce que tu as à faire, et je verrai ce que je ferai.

– D’accord.

Puis les deux se sont serrés la main et se sont quittés.

 

Plus tard dans la nuit, Bumpy alla trouver Stéphanie St. Clair :

« Je vais m’occuper de ce satané Dutch. Qu’il quitte Harlem et retourne dans le Bronx, là où est sa place. Ou mieux encore, tue-le et met fin à tout ça ».

« Mais Queenie ».

« Non ! Il n’y a pas de Queenie ! Je veux que tu le tues ou je le tuerai moi-même ».

« Queenie, tu sais que je n’ai pas peur de lui. Mais ce dont tu parles, c’est d’une guerre totale ».

« Qui va financer ta guerre ? »

« Tu crois que je n’ai pas d’argent ? J’en ai plein ».

« Eh bien, il faudra bien plus que de l’argent ».

« Il faut compter au moins 200 dollars par semaine pour chacun des hommes que tu recruteras, et même si tu en as 10 – ce qui est loin d’être suffisant – ça fait 2000 dollars par semaine. Et en plus des hommes, tu dois acheter des armes, payer les flics et les cautions. Et ça ne va pas être une question de jours ou de semaines. Cela va prendre des mois. Peut-être des années. Bon sang, tu penses que tu as assez d’argent pour tenir aussi longtemps ? Avec tes loteries qui sont attaquées tous les deux jours ? »

Finalement, Bumpy et St. Clair organisèrent une réunion avec des dizaines d’acteurs afro-américains de la scène du jeu à Harlem.

La plupart annoncèrent qu’ils ne croyaient pas à la victoire du clan Bumpy/St. Clair. Beaucoup avaient en effet peur de perdre de l’argent, sinon leur vie à cause de la menace Schultz.

Cependant, certains se rangèrent de leur côté, et c’est alors que la guerre entre Schultz et St. Clair a véritablement commencé.

Dans cette guerre, Bumpy avait évidemment le soutien de ses vieux amis Nat, Finley et Junie.

Il sortit d’ailleurs un jour avec eux, et croisa Bub Hewlett, de l’autre côté d’une rue :

« Restez ici, mais restez bien en vue, dit Bumpy à ses hommes. Puis il s’approcha de lui : Hey Bub.

– Hey, j’te cherchais, répondit Bub d’un air suspicieux, une main dans sa poche.

– Pourquoi ? demanda Bumpy.

C’est à ce moment-là que Nat vit la main de Bub cachée :

« Bumpy, ça va ? » lui cria-t-il de loin.

Bumpy lui fit signe que tout allait bien, tout en gardant un œil sur Bub, qui avait toujours la main dans sa poche.

– Je t’ai dit que je te ferai savoir ce que j’allais faire, tu te souviens ? » dit Bumpy.

– Et ?

– Je travaille pour Queenie.

– Mec, tu fais le mauvais choix. La reine va tomber, c’est évident.

– Ah ouais ? dit Bumpy en souriant.

– Tu sais que ça veut dire que tu vas devoir te battre contre moi et mes hommes.

– Je sais. Ça va devenir très intéressant, dit cette fois-ci Bumpy en riant.

Et pour finir, ils éclatèrent de rire tous les deux :

« Je crois qu’on se reverra, Bumpy, dit Bub.

– Ouais, mec. Mais je compte bien te voir en premier.

Bub et Bumpy éclatèrent à nouveau de rire puis se séparèrent.

Une fois retourné dans la voiture, Bumpy dit à ses amis :

« Je me sens comme le président des États-Unis.

– Comment ça ? demanda Junie.

– Je viens de déclarer la guerre. Et vous, vous êtes mon armée. Maintenant, on doit trouver un plan de bataille.

 

La première chose à faire, pour Bumpy et ses hommes, fut de trouver des armes. Pour ça, ils pouvaient compter sur Finley.

Junie, lui, était le deuxième cerveau de la bande, la personne idéale pour mettre les plans de Bumpy à exécution.

Bumpy était du coup le planificateur et Nat, la personne en charge des règlements de compte, le genre de type impitoyable qui ne reculait devant rien.

Avec sa bande de neuf hommes, Bumpy Johnson s’attaqua ainsi aux soldats de Schultz. Ils étaient largement moins nombreux que l’ennemi, ils n’avaient donc pas d’autre choix que de choisir la stratégie de la guérilla pour espérer l’emporter.

Et il faut dire qu’ils s’en sont très bien sortis. Contrairement aux hommes de Schultz, Bumpy et sa bande se fondaient en effet facilement dans la masse en tant qu’Afro-Américains à Harlem, ce qui leur a donné un énorme avantage.

Lorsqu’il fallait s’affronter avec la bande de Bub Hewlett, c’était cependant une autre histoire.

Bub en voulait beaucoup à Bumpy, et réciproquement.

Les deux clans se sont alors affrontés à plusieurs reprises, mais sans qu’aucun ne réussisse à prendre le dessus.

Le duel Bumpy contre Bub a finalement pris fin en avril 1933, six mois après le début de la guerre, et ce, lorsque Bub, dans une affaire qui n’avait rien à voir avec l’affrontement entre Schultz et St. Clair, a été condamné à purger une peine de deux à cinq ans de prison.

Après son incarcération, la plupart de ses hommes avaient dès lors abandonné la bataille contre Bumpy, sauf quelques irréductibles, comme Ulysses Rollins.

Ulysses Rollins avait remplacé Bub en tant que principal homme de main de Schultz à Harlem en 1934.
Son intention était claire : il voulait faire tomber Bumpy.

Bumpy en apprenant cette nouvelle avait ri, sans sous-estimer pour autant son nouvel adversaire, qui avait la réputation d’être un homme dangereux.

D’ailleurs, Schultz mettait rarement les pieds à Harlem, ce qui frustrait beaucoup Bumpy, car il n’avait encore jamais eu l’occasion de l’atteindre. Il se déplaçait de plus toujours avec plusieurs gardes du corps, ce qui compliquait singulièrement la tâche.

Mais il lui restait une carte à jouer. Cette dernière consistait à prendre contact avec quelqu’un qui connaissait personnellement Schultz : le boss de la mafia new-yorkaise, Lucky Luciano.

Bumpy l’avait contacté à la fin de l’année 1934 pour lui parler de cette guerre à Harlem qui faisait de plus en plus de morts.

Luciano était bien sûr au courant de ce qui passait dans cette partie de New York. Il écouta attentivement Bumpy, mais lui dit ensuite qu’il ne pouvait pas s’en mêler.

Puis il a ajouté que si jamais il décidait d’y mettre son nez, il poserait ses conditions, à savoir : reprendre le business du jeu à Harlem en mettant Bumpy sur sa liste d’employés pour environ 1 000 dollars par semaine.

Bumpy fut clairement déçu de sa réponse ; il le prévint alors que s’il essayait de s’en prendre aux gérants de loteries clandestines de Harlem, il n’aurait pas d’autre choix que de s’en prendre à lui personnellement.

Ça avait fait rire Luciano qui avait dit à Bumpy qu’il n’avait aucune chance de gagner une guerre contre lui.
Ce à quoi Bumpy répondit en souriant :

« Schultz avait dit la même chose. Et me voilà trois ans plus tard, à parler avec toi.

Bien qu’impressionné par le culot de Bumpy, Luciano resta cependant campé sur ses positions et les deux hommes en restèrent là.
Du moins, pour le moment.

Entre-temps, à Harlem, la guerre continuait de faire rage.

C’est au cours de l’été 1935 que Bumpy et Rollins se sont d’ailleurs affrontés pour la première fois.

Ça s’est passé lorsque Bumpy emmenait une fille à dîner.
Les 2 marchaient tranquillement quand Bumpy a aperçu Rollins sortir un couteau et se jeter sur lui !
Les deux hommes se sont roulés par terre, ont combattu pendant quelque temps, puis Bumpy s’est relevé et a remis en place sa cravate. Il avait salement entaillé le visage et le corps de Rollins, qui était resté au sol. Il avait un de ses globes oculaires qui ne tenait plus que par les ligaments, et qui était carrément hors de son orbite.

Après cette altercation, Bumpy l’avait alors tranquillement enjambé, puis avait annoncé qu’il avait une envie soudaine de spaghettis et de boulettes de viande.

Sérieusement blessé, Rollins fut lui emmené à l’hôpital, mais fidèle à sa réputation de vrai dur à cuire, il ressortit le soir même, recouvert de bandages, à la recherche de Bumpy.

Il le trouva dans un restaurant de la 125e rue.
Et lorsque il l’aperçut, il n’hésita pas une seconde : il sortit son arme et visa sa tête !
Fort heureusement pour Bumpy, la balle n’avait fait que traverser son chapeau et avait terminé sa course sur une pauvre femme innocente, la tuant sur le coup.

Rollins sera finalement arrêté par un policier qui se trouvait par hasard dans le restaurant ce soir-là,
et écopera d’une lourde peine.

On peut dire que Bumpy avait eu de la chance. Il prit d’ailleurs ce jour-là une décision : il ne porterait plus jamais de chapeaux.

À cette période, Bumpy voulait toujours la peau de Schultz.
Un vœu qui finira par être exaucé en octobre 1935, lorsque Luciano et les autres membres du syndicat du crime organisé américain décidèrent qu’il fallait impérativement l’éliminer.

Schultz avait en effet la justice qui lui collait au cul à cette période et, pour s’en tirer et calmer le jeu, il avait décidé de tuer un procureur du nom de Thomas Dewey.
Une solution, pour Luciano et ses associés, tout bonnement inenvisageable.

Résultat : Dutch Schultz est abattu dans un restaurant du New Jersey et meurt sur son lit d’hôpital quelque temps plus tard.

Le clan Bumpy/St. Clair avait donc gagné, Harlem était de nouveau libre et la guerre était enfin finie.

Restait finalement à savoir comment s’organiseraient les loteries clandestines maintenant que Schultz était mort. Est-ce que Lucky Luciano allait tout rafler sur son passage, quitte à mettre Bumpy sur la touche ?
Bumpy allait bientôt avoir des réponses à ses questions, puisqu’une semaine après la mort de Schultz, il s’est de nouveau entretenu avec Luciano.

Lucky Luciano

Lucky Luciano.

Scène de meurtre de Dutch Schultz

Lieu dans lequel Dutch Schultz s’est fait tiré dessus.

Le respect ne vaut pas la soumission

Schultz évincé, Bumpy et Luciano se sont donc à nouveau rencontrés, cette fois-ci à la demande du chef mafieux italien.

Luciano le laissa parler en premier. Puis les deux hommes discutèrent de plusieurs points.

Bumpy a tout d’abord déclaré qu’il était conscient qu’il ne pouvait pas gagner une guerre contre lui, mais qu’il ne pouvait évidemment pas non plus rester les bras croisés et laisser le business du jeu à Harlem échapper aux Afro-Américains.

Après avoir écouté Bumpy, Luciano a alors déclaré qu’il était prêt à laisser tranquilles tous les acteurs du jeu de Harlem, en tout cas, ceux qui l’avaient soutenu durant la guerre. Puis il a ajouté que toute nouvelle loterie qui ouvrirait dans le quartier passerait dorénavant sous le contrôle de la mafia.
Après ça, Bumpy a demandé à devenir le partenaire de Luciano à Harlem, dans le sens où la mafia ne tenterait rien là-bas sans son accord et une part dans l’affaire.
Bumpy et Luciano ont dès lors négocié pendant des heures sur ces points :

« Tu ne te rends pas compte que je te fais une faveur ? Je pourrais te tuer là, tout de suite, et prendre le contrôle de tout, dit Luciano.

En souriant, Bumpy lui répondit qu’il savait qu’il était un homme d’affaires bien trop avisé pour faire une telle chose.

Les négociations se sont donc poursuivies, puis les deux hommes ont fini par rire ensemble et un accord a été conclu.
Bumpy avait réussi à négocier une paix avec honneur, et avait tenu tête au plus grand caïd de New York.

Un exploit que les habitants de Harlem n’allaient pas oublier de sitôt, et nombreuses seront les personnes qui l’admireront après cela. Si bien que suite à l’entrevue avec Luciano, tout le monde voulut être son ami, faire quelque chose pour lui ou ses acolytes.

Désireux de rester dans ses bonnes grâces, les boissons étaient offertes par la maison à chaque fois qu’il entrait dans un bar ou un club ; de plus en plus de femmes lui tournaient autour, et certaines célébrités venaient carrément se présenter à lui.

Mais ce que Bumpy aimait le plus avec son nouveau statut, c’était de voir les gangsters italiens respecter le deal qu’il avait passé avec Luciano. Aucun ne pouvait se mêler des loteries que possédaient Bumpy et ses amis, sous peine de devoir se confronter à Bumpy en personne.

Bumpy Johnson avec un homme de main

Bumpy Johnson pris en photo dans les rues de New York.

 

Tout se passait alors pour le mieux, jusqu’au jour où il y a eu un souci avec un des gérants de loterie que Bumpy protégeait.

Pour régler le problème, Luciano l’avait convoqué un après-midi dans sa suite luxueuse au Waldorf-Astoria :

« Alors, que s’est-il passé ? demanda Luciano.

– Rien de spécial, répondit Bumpy.

– C’est vrai ? Pourtant, j’ai entendu dire que les affaires n’étaient pas très bonnes ces derniers temps.

– Vraiment ? Désolé de t’entendre dire ça.

– Est-ce que je peux faire quelque chose pour t’aider ? dit Luciano en le dévisageant. Nous sommes tous les deux des hommes d’affaires, jouons cartes sur table. Tu as un problème, tu viens me voir et je le règle. C’est moi le patron. Tu te souviens de ça ?

– On avait un accord : tu ne t’opposes à aucun des gérants indépendants de loteries, dit Bumpy à Luciano en se penchant en avant.

Luciano hocha la tête :

« Cet homme dont tu parles, il nous doit de l’argent. S’il nous doit de l’argent, il nous appartient. Tu comprends ?

– Non, je ne comprends pas. Si tu avais un problème avec un de mes gars, pourquoi tu n’es pas venu me voir ? À Harlem, c’est moi le patron. Tu te souviens ? répondit Bumpy en secouant la tête.

– Parce que maintenant, c’est toi le patron ?

– À Harlem, oui. Tu peux contrôler le reste de New York, et je respecte ça. […] Tu es un homme digne de respect. Mais je le suis aussi.

– C’est vrai Bumpy. Et tu sais que je suis un homme qui donne du respect. Peu importe qu’il s’agisse d’un Juif, d’un Irlandais ou d’un Noir. On veut tous faire de l’argent, hein ? Vivre et laisser vivre.

– Exactement, répondit Bumpy.

Les deux hommes ont ensuite continué la discussion, puis ont fini par s’entendre.

Bumpy était sur le point de partir quand il a remarqué un échiquier posé sur une table :

« Tu joues aux échecs ?

Luciano le regarda avec surprise :

– Ouais, et toi ? (Luciano fait une pause, puis déclare) Peu importe, j’aurais dû m’en douter.

– Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Bumpy.

– T’es le genre de gars qui semble toujours planifier ses mouvements deux coups à l’avance.

Là, Bumpy a ri :

– Toi aussi.

– Moi ?  dit Luciano en souriant. Nan. Moi, je prévois quatre ou cinq coups à l’avance.

Bumpy et Luciano se sont alors installés à la table de jeu et ont fait quelques parties. Bumpy a gagné la première, et Luciano la suivante. Puis les deux autres se sont soldées par un match nul, ce qui allait devenir une habitude à chaque fois qu’ils joueront aux échecs ensemble.

C’est ainsi qu’une relation amicale se créa entre les deux hommes. Leurs parties d’échec elles continueront jusqu’en 1936, date à laquelle Luciano sera envoyé en prison pour prostitution forcée.

D’ailleurs, Bumpy le rejoignit un an plus tard, en se faisant arrêter pour agression criminelle. Il s’en était pris à un proxénète qui avait battu une des filles qu’il protégeait, et avait pris dix ans pour ça.

On l’envoya dès lors à la prison de Dannemora, là ou Luciano croupissait.
On raconte d’ailleurs là-bas que Bumpy aurait un jour sauvé Lucky dans la cour de la prison en bousculant et en frappant un type qui avait tenté de le poignarder. Un service qui lui aurait permis de manger de la bonne nourriture italienne lors de sa détention.

Bumpy Johnson sortit de Dannemora en 1947. Mais lorsqu’il revint dans les rues de Harlem, les choses avaient changé :

« Les choses ne sont plus ce qu’elles étaient, Bumpy. Les Italiens ont tout bloqué maintenant. Ils ne te laisseront peut-être même pas ouvrir une loterie », le prévient alors Junie.

– Me laisser ouvrir une loterie ? Et tu peux me dire depuis quand j’ai besoin de la permission d’un rital pour en ouvrir une ?

– Comme je te l’ai dit, les choses ont changé. De nos jours, personne n’ouvre un établissement sans l’autorisation des Italiens de l’East Side.

Quelques jours plus tard, Bumpy se rendit dans l’East Side pour rencontrer Joe Adonis, le chef intérimaire des opérations de Luciano depuis qu’il avait été déporté en Italie.

Bumpy n’aimait pas beaucoup Adonis, il le trouvait vaniteux et prétentieux. Le genre de gars qui ne pouvait pas passer devant une glace sans s’arrêter pour se recoiffer et admirer son reflet.

Joe Adonis

Joe Adonis.

 

Il lui reconnaissait cependant certaines qualités : Adonis savait comment s’occuper des affaires, et puis c’était quelqu’un de plutôt loyal. Quand il le rencontra, il était avec Frank Costello, Meyer Lansky, Tommy Lucchese et Albert Anastasia des types à qui Luciano pouvait faire confiance pour exécuter ses ordres depuis la prison, puis depuis l’Italie, lors de son exil.

Lors de leur rencontre, le mafieux italien lui offrit en guise de cadeau pour son retour une grosse enveloppe de 6 000 $ ainsi qu’une Lincoln Continental noire de 1947 toute neuve :

« Sympa, mais je préfère les Cadillac, dit Bumpy.

– Pas de problème, prends la Lincoln déjà, je la remplacerai par une Cadillac dans quelques jours.

– Merci. Ça va m’être utile, car je vais reprendre du service dans quelques jours.

– Ah ouais ? Cool. De quel genre d’affaires tu parles ? lui demanda Adonis.

– Le même genre d’affaires que j’avais avant de partir. J’vais ouvrir une loterie.

Adonis le regarda un moment, puis dit doucement :

« Tu as le feu vert, Bumpy ? »

– De quel genre de feu vert parles-tu ?

– De celui de nos amis. Tu en as parlé avec nos amis ?

– Mec, je n’ai pas besoin d’en parler à qui que ce soit. Je vais retourner à mes affaires, comme toujours.

Joe Adonis haussa les épaules, puis dit :

« Je vais organiser une réunion et tu viendras discuter de ça. On verra ce qui se passera.

Plus tard dans la soirée, Bumpy reçut un appel, et le lendemain il alla s’entretenir avec les Italiens dans l’East Side de Harlem. Il n’était pas seul ; Nat, Junie et de deux autres amis l’accompagnaient. Tous étaient armés, au cas où la situation dégénérerait.

Au rendez-vous, il y avait six mafieux italiens, dont Joe Adonis. Bumpy et ses hommes se sont tranquillement assis autour d’une table avec eux :

« On a entendu dire que tu voulais revenir dans le business et on veut t’aider, lança Anthony Salerno, dit “Fat Tony”.
Un gangster italien qui montait en grade à cette époque et qui allait, plus tard, devenir le chef de la famille Genovese. Il était à ce moment-là en charge du business du jeu à Harlem pour le compte de la mafia.

« Tu sais que nous t’avons toujours apprécié et nous savons que tu es un homme digne de respect. Qu’est-ce que tu veux donc faire ? poursuivit-il.

– Eh bien, tout d’abord, je vous remercie pour votre gracieuse proposition d’aide, et je vous remercie aussi pour les cadeaux que vous m’avez offerts, mais je ne veux pas abuser de notre amitié, vous avez déjà tant fait. Je veux simplement rouvrir ma loterie sur la 135e rue pour pouvoir me débrouiller seul, répondit Bumpy.

– Ah, mais mon ami, ça ne sera pas aussi simple que ça, dit Salerno avec une voix cette fois plus menaçante.

– Ah ouais ? Il me semble que c’est pourtant très simple.

– Eh bien, je suis sûr que tu sais que les choses ont changé depuis que tu es parti. Maintenant, c’est comme ça que ça se passe. Le temps passe et les choses changent. Tu veux ouvrir un établissement sur la 135e ? Parfait. Nous serons heureux de te laisser faire ça. Mais tu dois comprendre: tu gères l’endroit, mais ce que tu gagnes doit passer sous notre contrôle”.
”Tu sais qu’on va te donner une bonne part. Tu as gagné notre respect” dit Salerno avec un sourire.

– Alors je m’attends à ce que vous respectiez le marché qui a été conclu avant mon départ.
Je dirige ma propre affaire sans interférence de personne.

– Cet accord a été conclu avec des amis qui ne sont plus aux commandes.
Comme je l’ai dit, le temps passe et les choses changent. Si tu veux faire du business, tu fais du business avec nous.

– J’avais un accord, répondit Bumpy, et en ce qui me concerne, l’accord est toujours sur la table.

Le sourire de Salerno s’est alors effacé :

« Les gens à la tête de la table ont changé et le marché aussi ».

Mais Bumpy refusa de se laisser intimider. Il émit un petit rire, puis se leva avec ses hommes :

« Je suppose que cette réunion est terminée ».

Il a ensuite regardé Adonis :

”Tu dois faire savoir à notre ami ce qui se passe, et que je ne suis pas très content de la situation”.

Adonis lui a alors répondu en chuchotant :

« Tu essaies de me donner des ordres, Bumpy ?

Là, Nat fit un pas en avant, mais Bumpy le repoussa et dit :

« Non. Je n’aurais pas la prétention de te donner des ordres, tout comme tu sais que je n’en recevrai pas. En ce qui me concerne, nous sommes égaux et nous l’avons toujours été. Mais je vous demande, lors de votre prochain contact avec notre ami, de lui transmettre mes meilleures salutations et de lui faire savoir que j’ai été très heureux de pouvoir l’aider pendant notre absence commune ».

Bumpy parlait évidemment de la fois où il avait sauvé la peau de Luciano à Dannemora.

Après cette déclaration, lui et ses hommes sortirent de la réunion. Ils s’arrêtèrent devant une devanture de magasin pour discuter de la situation :

« On retourne en guerre ? demanda un de ses hommes.

– Peut-être. Je ne sais pas encore, répondit Bumpy. Je dois réfléchir à ce qu’on va faire.

– Qu’est-ce qu’on fait en premier Bumpy ?  demanda Junie.

– Je pense qu’on va en kidnapper quelques-uns, répondit Bumpy.

Ouais, cela paraît fou, une bande d’afro-américains qui parlent d’enlever des membres de la mafia. D’ailleurs, sans le savoir, Bumpy et ses hommes discutaient à un endroit où la police de New York avait placé un mouchard, et dites-vous que même un des inspecteurs de police de la ville qui avait écouté la bande magnétophone, n’en revenait pas. Si bien qu’il a dû repasser l’enregistrement deux fois, car il n’arrivait pas à croire ce qu’il entendait.

Fort heureusement, personne n’a dû recourir à la violence. Adonis avait en effet mis Luciano au courant de la situation, et ce dernier lui avait déclaré que non seulement, la mafia devait honorer le marché qu’il avait conclu avec Bumpy, mais qu’elle devait aussi lui donner tout ce qu’il voulait.

« Pourquoi tu ne m’as pas dit ce que tu avais fait pour notre ami ? demanda Adonis à Bumpy quelque temps plus tard tout en lui remettant les clés d’une Cadillac noire toute neuve.

– Ce n’était pas à moi de le dire.

Dès lors après cela, Bumpy a pu de nouveau asseoir sa domination sur Harlem.
Plus personne ne pouvait se mettre en travers de son chemin.

Puis s’est produit l’impensable.

Trahison

Suite à son accord avec les Italiens, Bumpy a pu donc ouvrir sa loterie sur la 135e. Une affaire qui lui rapportait gros : près de 60 000 $ par mois, l’équivalent de 700 000 € aujourd’hui. Sa réputation elle avait encore augmenté dans les rues de Harlem.

Tout allait donc pour le mieux, jusqu’au jour où il rencontra un dénommé Flash Walker.

Bumpy Johnson et Flash Walker

Bumpy Johnson avec Flash Walker derrière lui.

 

Flash Walker était un jeune homme orphelin et sans-le-sou qui cherchait à travailler pour Bumpy.
Un de ses amis connaissant Bumpy, et un soir de décembre 1948, il le présenta au « parrain de Harlem ».

Bumpy ce soir-là accèdera alors par pitié à sa requête en l’engageant pour aider sa femme dans certaines tâches de la maison.

À cette époque, Flash avait 19 ans, c’était quelqu’un de bavard avec un charme presque envoûtant d’après certaines personnes.

Il n’eut donc aucun mal à s’intégrer dans la famille Johnson, au point de devenir comme un fils pour Bumpy (lui qui n’en avait pas, et qui n’en aura jamais d’ailleurs).

Bumpy l’appréciait vraiment, puis c’était réciproque. Une affection qui rendra presque jalouses ses deux filles. Non j’vous le dis : les deux s’aimaient beaucoup, au point que Bumpy a commencé à lui faire de plus en plus confiance et à lui offrir un poste dans une de ses loteries.

Flash savait charmer les gens pour les faire miser plus qu’ils n’auraient dû, il ne lui a donc pas fallu longtemps pour être l’employé le plus rentable de Bumpy.

Puis est arrivé un moment où Bumpy a eu assez confiance en Flash pour lui permettre de l’accompagner à quelques réunions importantes, dont celles avec les Italiens.

D’ailleurs, pour l’anecdote, il se pourrait que Frank Lucas (le trafiquant d’héroïne des années 70 joué par Denzel Washington dans le film American Gangster) se soit approprié la relation que Flash Walker avait avec Bumpy.
Ainsi, Lucas n’aurait jamais été aussi proche de Bumpy qu’il prétendait l’être. Mais bref, ça, c’est une autre histoire.

La relation entre Flash et Bumpy a dès lors duré presque deux ans, avant qu’un événement vienne tout faire basculer.

Tout commence en 1949, lorsque Flash Walker fait la rencontre d’un proxénète qui lui propose une affaire juteuse.

Ce dernier lui demande d’encaisser des chèques douteux (apparemment volés) sans éveiller de soupçons et sans avoir à passer par la banque.

Pour Flash, c’était le moyen de se faire quelques billets en plus ; en dehors de ce qu’il gagnait déjà avec Bumpy. Il accepte donc le deal et encaisse les chèques sur le compte bancaire de celui qui le considérait comme son propre fils.

Quatre mois plus tard, Bumpy reçoit un appel de sa banque lui demandant de venir discuter de son compte.
C’est là-bas qu’il est mis au courant de l’entourloupe. Heureusement pour lui, il arrive à s’arranger pour régler le problème.

Il rentre cependant chez lui, furieux. Il fait les cent pas dans une pièce et se dit à ce moment-là que Flash aurait pu lui causer de sérieux problèmes… Mais tout à coup, une de ses filles de 16 ans vient le voir :

« Bumpy, je suis contente que tu sois là. Je voulais te dire que lorsque Flash est venu plus tôt dans la journée il m’a tapé sur les fesses.

Là, Bumpy s’arrête, la bouche ouverte :

« Il a fait quoi ?

Sa femme réagit à son tour :

« Ruthie, j’ai été à la maison toute la journée. Comment se fait-il que tu ne m’aies rien dit ?

– Parce que je voulais le dire à Bumpy moi-même dit sa fille.

Le visage de Bumpy tournait au violet, pourtant ce n’était pas fini, son autre fille témoigna aussi :

« Il m’a aussi fait la même chose, papa. Il m’a tapé sur les fesses et m’a dit qu’il avait hâte d’être seul avec moi. Et ce n’est pas la première fois qu’il l’a fait !

Bumpy s’était déjà dirigé vers la porte. Il monta dans sa Cadillac et partit à la recherche de Flash.
Ce dernier sortait de chez lui quand il l’aperçut :

« Que s’est-il passé, Boss ? Il y a quelque chose dont on doit s’occuper ?

Bumpy n’a pas dit un mot, il est descendu de la voiture et lui a collé une droite au visage, le projetant en arrière ! Flash n’eut même pas le temps de comprendre ce qui se passait que Bumpy s’était déjà mis sur lui, le frappait et le traitait de tous les noms :

« Espèce d’enfoiré de nègre ! Bon à rien ! Je te fais confiance et j’t’accueille chez moi, et toi tu te retournes pour me chier dessus ? Je vais te tuer !

Bumpy continuait alors à le frapper, et ce n’était pas beau à voir… Le visage de Flash devenait méconnaissable.

Bumpy se tenait au-dessus de lui, reprenant difficilement sa respiration, puis il lui a donné un dernier coup de pied à la tête, et a hurlé:

« Ne t’approche plus jamais de moi et ma famille, sinon j’te tuerai ! »

Après cela, Flash appellera Bumpy toutes les heures pour essayer de lui parler, mais Bumpy lui raccrochera au nez à chaque fois.

Bumpy discutera de la situation avec ses vieux amis lors d’une partie de cartes :

« Mec, tu sais très bien que tu aurais dû tuer ce petit négro […] »
« Merde, un coup de pied au cul comme ça, devant tout le monde, il ne va pas l’oublier. Tu t’es fait un ennemi pour la vie là » dit Junie.

– Comme si j’en avais quelque chose à foutre, répondit Bumpy.

– Je suis avec Junie sur ce coup-là, dit Finley. Je parierais qu’il va s’en prendre à toi. Pourquoi ne pas le devancer et prendre soin de lui ?

– Occupe-toi de tes affaires, mec. J’ai fait ce que j’avais à faire et c’est terminé.

Puis Nat a grogné :

« Ce négro en sait trop. Si tu ne t’occupes pas de lui, je le ferai […] Je n’ai jamais fait confiance à ce petit enfoiré.

Bumpy a alors continué d’ignorer les conseils de ses amis. Peut-être avait-il encore de l’affection pour son protégé. Quoi qu’il en soit, il regrettera amèrement ce choix lorsqu’il apprendra un soir que Flash projetait avec l’une de ses ex de cacher un paquet d’héroïne sous un des coussins du canapé de sa résidence, puis d’appeler les flics afin de le faire tomber.

Tous se sont alors réunis dans son salon pour une réunion d’urgence. Pendant une demi-heure, Bumpy et ses amis ont discuté pour savoir ce qu’il convenait de faire. Une fois la réunion terminée, ils sont tous sortis ensemble pour aller chasser Flash. Hélas, il était déjà trop tard…

Bumpy se fera en effet arrêter plus tard chez lui par deux agents des stups. On l’emmènera au Bureau des Narcotiques, et c’est là qu’il apprendra que Flash l’avait balancé aux flics lorsqu’il avait été arrêté pour une histoire d’héroïne en décembre 1950.

Flash avait à l’époque dit aux flics qu’il vendait de la drogue pour Bumpy, ce qui n’était apparemment pas vrai, puisque même les gars de la Narcotique ne l’avaient pas cru. Aucun d’entre eux n’avait entendu dire que Bumpy était dans le business des stupéfiants.

C’est alors que les fédéraux sont intervenus dans l’affaire et pour eux, même si Bumpy disait la vérité (selon quoi il ne trempait pas dans la came), ils savaient qu’en l’arrêtant, ils pourraient faire le ménage à Harlem, en le forçant notamment à dénoncer les trafiquants de drogue qui opéraient sur place.

Dès lors, Bumpy a dépensé une fortune pour prouver son innocence. Malheureusement pour lui, cela n’a pas suffi. Les fédéraux ne voulaient pas lâcher prise. Ils l’ont harcelé en lui demandant de donner des noms pour qu’ils lâchent l’affaire, mais Bumpy leur disait à chaque fois d’aller se faire voir.

Ce n’est finalement qu’en juin 1953 que le procès a eu lieu. Pendant tout ce temps, Bumpy était resté libre sous caution. Il était relativement confiant au moment de son jugement.

Le jury n’avait délibéré que trois heures avant d’annoncer son verdict. Un bon signe d’après son avocat, puisque les jurés restaient généralement plus longtemps lorsqu’ils avaient à déclarer la culpabilité d’un accusé.
Pourtant, et contre toute attente, Bumpy a été reconnu coupable de deux chefs d’accusation pour trafic de drogue ! Ses proches étaient choqués.
On allait le condamner à 15 ans de prison…

Bumpy Johnson à Alcatraz

Bumpy Johnson à Alcatraz.

 

Il passera alors la majorité du temps de sa détention à Alcatraz, une prison qui accueillait les plus dangereux criminels du pays à l’époque.

Dans ce pénitencier, les gardiens appelaient les prisonniers par leur matricule, et non par leur nom, ce qui était une façon de les briser moralement.

Le gouvernement fédéral avait même fait en sorte d’aménager la prison de façon à ce que toute évasion soit rendue impossible. Pourtant, cela n’avait pas empêché Frank Morris et les frères Anglin de s’évader en 1962.

C’était la seule et unique de l’histoire de cette prison de haute sécurité, et on raconte alors que pour réaliser cette incroyable évasion, ils avaient reçu l’aide d’un type ayant eu des contacts solides à l’extérieur, un type qui les auraient aidé à obtenir un bateau pour traverser la baie de San Francisco, un type qui n’aurait été autre que Bumpy Johnson lui-même.

Finalement, Bumpy ne fera que dix ans de prison et sera libéré sur parole en 1963.
Junie était venu le chercher dans une Cadillac Eldorado décapotable de 62, et la nouvelle de son retour se répandit dans tout Harlem. Bientôt, les rues étaient remplies de personnes qui l’accueillaient.
Les gens applaudissaient et jetaient des confettis à mesure que la voiture passait devant eux. On avait l’impression que c’était le président des États-Unis qui défilait.
Bumpy s’était alors levé, les larmes aux yeux, et avait salué la foule.

Ouais, il semblait que les habitants de Harlem ne l’avaient pas oublié, même après tout ce temps.

Finalement, cette scène présageait une sorte d’adieu, qui n’allait pas tarder à venir. En effet, Bumpy avait des problèmes cardiaques qui avaient commencé au début de l’année 1967, et qui auront raison de lui un an plus tard, le 7 juillet 1968. Il s’apprêtait à manger dans un restaurant de Harlem ce soir-là, quand son cœur l’a lâché.

Il avait 62 ans.

Conclusion

La mort brutale de Bumpy a ainsi choqué tout le monde. C’était la fin d’une des figures les plus mémorables de Harlem, que beaucoup décriront comme un gangster à la conscience sociale. Un criminel qui jouait le rôle de philanthrope en aidant les plus démunis de son quartier.

Quelques centaines de personnes s’étaient alors regroupées pour rendre un dernier hommage à celui que l’on considérait comme le « Robin des Bois de Harlem ».

Un Robin des Bois qui restait néanmoins racketteur, proxénète et trafiquant de drogue. Parce que oui, même si Bumpy insistera jusqu’à sa mort d’avoir été piégé pour les accusations de trafic de drogue qui l’ont envoyé à Alcatraz dans les années 50, il trempera tout de même dans le business des stupéfiants plus tard dans les années 60.

Bumpy était finalement un type intelligent qui aurait pu devenir avocat ou médecin, mais qui a fini par devenir chef de gang.
On dit d’ailleurs qu’il aurait eu des regrets de ne pas avoir poursuivi ses études.

Ce que l’on retiendra de lui, c’est l’Afro-Américain issu d’un milieu précaire qui s’est hissé au sommet de la pègre new-yorkaise. Celui qui, avec seulement une poignée d’hommes loyaux, a réussi à tenir tête à la puissante mafia italienne, devenant son seul et unique ambassadeur à Harlem.

Un gangster qui a passé 26 ans de sa vie en prison, qui s’est fait tirer dessus 15 fois au total et qui a été décrit par le procureur de son procès en 53, comme « l’un des criminels les plus dangereux de l’histoire de Harlem ».

Sources

https://www.goodreads.com/book/show/2286671.Harlem_Godfather
https://www.goodreads.com/book/show/25137580-kill-the-dutchman
https://www.goodreads.com/book/show/19267183-gangsters-of-harlem
https://time.com/5679371/godfather-of-harlem-true-story/
https://allthatsinteresting.com/bumpy-johnson
https://www.dailymail.co.uk/news/article-7712227/The-real-Godfather-Harlem-Bumpy-Johnson-drug-kingpin-ran-neighborhood.html
https://www.finalcall.com/artman/publish/Entertainment_News_5/The-Godfather-of-Harlem-and-the-Corruption-of-Black-History.shtml
https://en.wikipedia.org/wiki/Harlem#History
https://www.harlemheritage.com/history-of-harlem/
https://www.history.com/topics/roaring-twenties/harlem-renaissance
https://www.mic.com/culture/bumpy-johnson-is-the-prefect-archetype-of-a-black-anti-hero-84095708
https://en.wikipedia.org/wiki/Bumpy_Johnsonhttps://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9gr%C3%A9gation_raciale_aux_%C3%89tats-Unis
https://www.ancestry.com/genealogy/records/margaret-moultrie-24-1gt0jzr
https://en.wikipedia.org/wiki/Numbers_gamehttps://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_d%27Alcatraz

Vidéo sur l’histoire de Bumpy Johnson

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