« Je considère Jesse James, sans aucune exception, comme le pire homme en Amérique. Il est totalement dépourvu de peur et n’a pas plus de scrupules à commettre un meurtre de sang-froid qu’à manger son petit-déjeuner. »
Robert Pinkerton, 1879.
Pour certains, il était un criminel sans pitié ; pour d’autres, il était un héros. Difficile de trouver un personnage plus controversé que lui dans l’histoire américaine.
Il a été le symbole du déchirement entre le Nord et le Sud durant la guerre de Sécession. Un conflit qui le marqua à jamais, si bien qu’il fit de sa vie une perpétuelle vengeance envers ceux qui l’avaient vaincu. Il choisit pour cela la voie de la délinquance et braqua pléthores de banques, diligences et locomotives.
Hors-la-loi le plus mythique de l’Ouest américain, son nom était Jesse James et se venger était son seul but.
Pour en connaître plus sur son incroyable vie, je vous invite à plonger avec moi en pleine période du Far West.
Une épopée qui commence dans le sang, la douleur et un profond sentiment d’injustice…
Une jeunesse en temps de guerre
Jesse Woodson James naît le 5 septembre 1847 dans le comté de Clay, dans le Missouri.
Quelques années auparavant, ses parents, Robert et Zerelda James, ont décidé de s’installer dans la région. Ils vivent dans une maison modeste de trois pièces avec leurs enfants :
- Frank, l’aîné ;
- Jesse ;
- Et Susan, la petite dernière.
La famille James vit de la production agricole de chanvre et, comme certaines autres régions du Sud, elle dépend de l’esclavage.
Nous sommes alors en 1848 et des rumeurs commencent à se répandre dans tout le Missouri selon lesquelles l’Ouest américain compte d’importantes quantités d’un métal particulièrement précieux.
La ruée vers l’or venait de commencer…
De nombreuses personnes partent pour la Californie en quête de fortune et Robert James, le père de Jesse, est l’un d’entre eux.
Hélas, en septembre 1850, le destin veut qu’il laisse sa vie là-bas. Dans les champs aurifères de l’Ouest, il tombe en effet malade et meurt loin de sa famille, laissant orphelin le jeune Jesse, alors âgé de 3 ans.
Zerelda, désormais veuve, doit donc élever seule ses trois enfants. C’est une femme au fort caractère, avec beaucoup de détermination, qui fait tout pour bien s’occuper de sa progéniture.
Après la mort de son mari, elle connaît malheureusement des difficultés financières qui l’obligent à abandonner sa ferme et à laisser Frank, Jesse et Susan, à une autre famille.
Pour retrouver sa prospérité financière et ses enfants, Zerelda décide donc de se remarier. Pour cela, elle épouse le Dr Reuben Samuel, le 12 septembre 1855. Zerelda peut ainsi retrouver ses enfants et reprendre sa vie à la ferme.
La famille James semblait enfin sortir de la tempête.
Maison dans laquelle Jesse James est né.
Le père et la mère de Jesse James.
Frank, Jesse et Susan James jeunes.
À l’automne 1860, Jesse James a treize ans ; il va à l’école et s’inscrit pour une nouvelle année. Il ne sait pas à ce moment-là que ce sera la dernière…
Avant même d’atteindre l’âge adulte, le jeune Jesse allait en effet être plongé dans une guerre fratricide qui déchirera son pays.
Sa vie deviendra bientôt celle d’un conflit incessant, après lequel il n’aura qu’une envie : le désir de vengeance.
La guerre de Sécession éclate en 1861, au lendemain de l’élection d’Abraham Lincoln, un politicien républicain qui souhaite absolument abolir l’esclavage.
Depuis le début du XIXe siècle, les États du Nord et du Sud se contredisent sur plusieurs questions économiques, politiques et culturelles.
Et la question de l’esclavage a disons été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Les États du Sud, fortement dépendants de l’esclavage, annoncent tout de suite la couleur : si Lincoln est élu, ils déclareront leur sécession du reste de la nation.
Lincoln devenu président et suivant leur parole, ils forment donc une coalition en tant qu’ « États confédérés d’Amérique » et entrent en guerre contre les États du Nord, appelés également « États de l’Union ».
La famille James, attachée aux valeurs du Sud et propriétaire de sept esclaves, se met tout naturellement du côté des États confédérés.
Si bien que Frank, le grand frère de Jesse, âgé de 18 ans, part combattre l’Union au début de l’année 1861.
Jesse, n’ayant que 13 ans à l’époque, est évidemment bien trop jeune pour s’enrôler.
Pour Frank, la guerre est cependant de courte durée, puisqu’il est fait prisonnier par les troupes de l’Union, puis libéré sur parole et renvoyé chez lui.
À cette époque, le Missouri se retrouve au cœur de la guerre civile et est divisé en deux : les unionistes dans l’un et les confédérés dans l’autre.
Les deux camps s’affrontent dans une série d’âpres batailles, donnant lieu à des guérillas opposant les « buschwhackers » (des guérilleros ralliés aux États du Sud) aux « jayhawkers » guérilleros ralliés à l’Union.
C’est donc dans ce contexte de guérilla que Frank retourne combattre en rejoignant en 1863 une escouade opérant dans le comté de Clay.
Il arrive alors de temps à autre que Frank et ses compagnons trouvent refuge dans la ferme des James, dans laquelle Zerelda, profondément attachée à la cause sécessionniste, les accueille chaleureusement.
Jesse, âgé de 15 ans, regarde Frank et ses camarades avec envie.
Apparemment, il a désespérément essayé de les joindre, mais a été refusé en raison de son âge.
Quelques mois plus tard, une troupe de l’Union fait une descente dans la ferme des James, à la recherche de Frank et de ses camarades.
Les soldats de l’Union questionnent longuement Reuben Samuel, le nouveau mari de Zerelda, puis le torturent en le pendant brièvement à un arbre.
On raconte qu’ils ont même fouetté le jeune Jesse lors de leur passage.
Peu de temps auparavant, Frank s’est enfui dans les bois pour échapper aux troupes unionistes.
À cette période, il a déjà connu de nombreuses péripéties, jusqu’à finalement rejoindre l’escouade de guérilla dirigée par William Quantrill, l’un des plus grands bushwhackers.
Sous les ordres de Quantrill, Frank James rencontre alors l’imposant Cole Younger, guérillero s’étant fait connaître pour avoir monté une embuscade et tué la plupart des miliciens qui avaient assassiné son père.
Younger et Frank se battent ainsi ensemble sous les ordres de Quantrill, menant des raids, faisant des razzias, brûlant des fermes unionistes et tuant certains informateurs.
Frank suit Quantrill jusqu’au printemps 1864, mais il intègre ensuite une autre escouade de bushwhackers, commandée par Fletch Taylor.
C’est dans cette escouade que Jesse le rejoint pour la première fois dans le conflit, à l’âge 16 ans seulement.
La plupart des guérilleros de cette escouade avaient tous moins de 21 ans, comme « Little Archie » Clement par exemple, jeune homme de 18 ans qui va bientôt gagner l’admiration de Jesse.
Après avoir rejoint le groupe de bushwhackers de Fletch Taylor, Jesse doit donc rapidement s’adapter à sa nouvelle vie. Il vient en effet de s’engager dans une guerre où tout est permis.
Une guerre purement tactique dans laquelle il faut infliger de la douleur, punir, tuer et détruire.
Chaque grange et chaque ruisseau est un champ de bataille ; chaque civil, un allié ou une cible.
En entrant dans ce conflit, Jesse James s’est en fait lancé dans une course pour trouver et tuer autant d’ennemis que possible.
Archie Clement devient alors l’un de ses mentors. Au début, lui et ses autres camarades guérilleros se moquent de Jesse à cause de son manque d’assurance, mais lorsque le jeune soldat participe à ses premières tueries, il gagne le respect de tous :
« C’est le combattant le plus vif et le plus efficace du commando » dira l’un de ses compagnons de combat.
Mais… à peine est-il entré dans le conflit qu’un sentiment de vengeance le hante déjà.
La légende dit qu’il se met à ce moment-là à la recherche des miliciens qui l’ont battu dans la ferme des James…
Jesse James adolescent.De gauche à droite : Fletch Taylor, Frank James et Jesse James
Plus tard, Jesse et son frère Frank quittent l’escouade de Fletch Taylor et se cherchent un nouveau chef. C’est là qu’ils tombent sur le bushwhacker le plus cruel du Missouri : William Anderson, surnommé « Bloody Bill ».
Tout comme Archie Clement, Bloody Bill Anderson devient un modèle pour Jesse, et maintenant qu’il a intégré sa troupe, il est dans l’organisation de guérilla la plus dangereuse du Missouri.
Jesse James admire la façon dont ses mentors inspirent la peur à leurs victimes. Il a envie dès lors de les imiter et de gagner leur respect.
Il est ainsi témoin de scènes de barbarie les plus cruelles, comme la fois où Anderson torture un prisonnier avec un couteau, lui coupant les deux oreilles, pour ensuite le finir avec une balle dans la tête !
Pendant l’été 1864, le jeune Jesse connaît sa première grave blessure.
À cette période, il trotte à cheval avec son grand frère quand il aperçoit une jolie selle posée sur une barrière. La sienne étant plutôt en mauvais état, il décide de la dérober et tend son bras pour la prendre. Mais au moment de poser sa main dessus, il entend un bruit sec et une balle transperce sa poitrine !
Jesse James souffrira énormément de cette blessure, à tel point qu’il aurait dit à un ami qu’il voulait que les unionistes le capturent et mettent fin à ses jours.
La blessure s’avère cependant moins grave qu’il n’y paraît, la balle n’ayant touché aucun organe interne, Jesse peut se remettre en selle un mois plus tard.
Nous sommes alors le 27 septembre 1864, et l’un des plus odieux évènements de la guerre de Sécession est sur le point de se produire.
À l’origine de ce massacre, l’escouade de guérilleros de Bloody Bill Anderson, à laquelle Jesse et Frank appartiennent.
Cela se passe à Centralia, dans le Missouri.
Cette petite ville, établie autour d’un dépôt de cargaison de l’Union, est en effet un point stratégique pour les guérilleros sécessionnistes. Anderson et ses hommes ont alors le projet de couper la ligne de chemin de fer.
Il est 9 h du matin quand Bloody Bill Anderson, accompagné de 80 guérilleros (dont Jesse et son frère Frank), pénètrent dans Centralia.
Ils pillent tout ce qu’ils trouvent et bloquent ensuite la voie ferrée.
À l’approche d’une locomotive, les guérilleros l’arrêtent et l’envahissent, séparant les 125 passagers entre civils et soldats.
24 miliciens de l’Union sont à bord, tous en permission pour rentrer chez eux.
Mais Bloody Bill Anderson en décide autrement. Il ordonne aux soldats unionistes de se mettre en ligne et déclare :
« À partir de maintenant, je ne demande pas de quartier et je n’en donne pas. Chaque soldat fédéral sur lequel je pose mes doigts mourra comme un chien. Si je tombe entre vos griffes, je m’attends également à la mort. Vous devez tous être tués et envoyés en enfer. C’est ainsi que sera servi tout soldat maudit qui tombe entre mes mains ».
Les hommes d’Anderson ouvrent ensuite le feu et tuent tous les soldats de l’Union. Les corps sont ensuite scalpés, mutilés, puis le train brûlé.
Après ce massacre, en octobre 1864, le général Anderson semble récolter le fruit de ses actions et est abattu à son tour lors d’une embuscade.
Suite à cet événement, les frères James se séparent. Frank retrouve le général Quantrill dans le Kentucky, tandis que Jesse se rend au Texas, sous le commandement d’Archie Clement, ex-lieutenant d’Anderson.
Jesse James, âgé de 17 ans, est alors à nouveau gravement blessé.
Au moment où il tente de se rendre, près de Lexington, dans le Missouri, il reçoit à nouveau une balle dans la poitrine. La balle de calibre 36 se loge directement dans son poumon droit, et y restera pour le restant de ses jours.
Il lui faut plusieurs mois cette fois-ci pour se rétablir et c’est durant sa convalescence que la guerre de Sécession prend fin.
Après quatre ans de conflit, la guerre laisse derrière elle une Amérique plus divisée que jamais.
620 000 soldats périssent dans les deux camps.
L’Union sort vainqueur du conflit, tandis que les États confédérés doivent se contenter d’une amère défaite…
Le plan dit de « Reconstruction » va alors bientôt mettre en pièces la grande roue de l’esclavage qui faisait tourner l’économie du Sud jusque-là.
L’État du Missouri, dans lequel vit la famille James, est l’un des plus touchés.
Les affrontements entre rebelles et unionistes ont mis les terres du Midwest à feu et à sang.
Environ un citoyen sur trois a été tué au combat, assassiné chez lui, chassé par la guérilla, ou tout simplement parti vers un endroit plus sûr.
À la fin de l’année 1865, les frères James rentrent donc chez eux pour rejoindre leur famille.
Jesse s’est remis de sa blessure et la guerre est arrivée à son terme.
Il a vu son camp défait suite à un long et sanglant affrontement.
Et… la défaite, ainsi que ses conséquences pour le Sud, ne le satisfait guère.
Un sentiment de vengeance le hante à nouveau, la guerre n’a pas seulement fracturé son pays, elle a aussi laissé sa famille sans rien.
Rendre les armes était donc impensable pour Jesse, il devait impérativement continuer le combat.
Bloody Bill Anderson.Portrait de Jesse James à l’âge de 17 ans.
Que le braquage commence
À la fin de l’hiver 1865-1866, les frères James résident dans la ferme familiale, dans le comté de Clay, dans le Missouri.
La guerre est finie et Jesse sait qu’il doit trouver un moyen de subvenir aux besoins de sa famille.
Ce conflit l’a dépouillé, lui et ses proches, et il compte bien reprendre ce qu’il pense lui être dû.
Énervé par l’occupation oppressive des soldats de l’Union sur son territoire, il est déterminé à se défendre.
Alors il cherche un plan, et le trouve.
Jesse sait en effet que les banques détiennent principalement les richesses du Nord, et ce, même dans les banques du Sud. Du coup, il se dit que ça peut être la meilleure façon d’exprimer sa rancœur : dévaliser les banques, et il volerait l’argent des unionistes.
C’est la cible parfaite pour Jesse, d’autant plus qu’à l’époque, elles ne disposent que d’une faible sécurité.
La paix restaurée, son frère et lui rejoignent donc leurs anciens camarades de guerre, dont Archie Clement, à ce moment-là leader du groupe.
On raconte alors qu’ils auraient participé ensemble au premier braquage de banque armé en plein jour et en temps de paix des États-Unis.
Cole Younger, ainsi que d’autres survivants du groupe de guérilleros de Bloody Bill Anderson étaient également présents.
Leur cible : la Clay County Savings Association, dans la ville de Liberty, au Missouri.
Cette banque appartient à un unioniste et les bandits la pillent le 13 février 1866, repartant avec un butin de 60 000 dollars (soit l’équivalent de près d’1 million de dollars actuel), tuant un passant à l’extérieur de la banque lors de leur fuite.
Jesse James, autant intéressé par la symbolique politique que par l’argent, vient ainsi de remporter sa première revanche contre le Nord.
Le propriétaire unioniste de la banque, furieux, promet alors une récompense de 5 000 dollars pour la capture des criminels.
Le crime fait les gros titres des journaux dans tout l’État, et pour la première fois, Jesse James est un criminel recherché.
Puis survient un événement qui accentue son amertume envers les Nordistes.
Archie Clement, son mentor, compagnon de combat et meilleur ami, se fait tuer le 13 décembre 1866 par la milice de l’État.
Pour Jesse, c’est une terrible perte, il mettra beaucoup de temps à s’en remettre…
Dès lors après le décès d’Archie, Jesse reprend les rênes et monte en puissance.
Il est sur le point de bouleverser la nation tout entière, mais personne ne le sait encore…
En effet, dans les mois qui suivent la disparition de leur chef Archie Clement, Jesse et ses acolytes continuent les vols à main armée.
Ils réalisent des braquages de banques au cours des deux années suivantes.
L’un d’entre eux a lieu début mars 1868.
À cette période, les frères James, accompagnés de Cole Younger et de quatre autres anciens guérilleros, décident de voler une banque à Russellville, dans le Kentucky.
Apparemment, là-bas se trouve une banque particulièrement riche et vulnérable.
Contrairement à la Clay County Savings Association, cette fois-ci l’attaque n’a pas de but politique. Les bandits repèrent ainsi les lieux puis, lorsqu’ils sont prêts, ils passent à l’action.
Lors du casse, un citoyen de Russellville est abattu et les gangsters repartent avec un butin de 9 000 dollars en billets et 3 000 dollars en pièces d’or.
Un bel exploit pour les malfrats.
Puis, vient le braquage de la Daviess County Savings Association, à Gallatin dans le Missouri.
Le vol qui mettra véritablement Jesse James sur le devant de la scène.
Nous sommes le 7 décembre 1869 et il est 12 h 30 quand Jesse descend de cheval.
À ce moment-là, il n’éveille aucun soupçon chez les habitants de Gallatin.
En pénétrant dans la banque, il voit alors un employé assis au fond de la pièce, devant le coffre-fort. Jesse semble rechercher une personne en particulier ; il regarde attentivement le visage du caissier et continue à le fixer, comme si ce jour-là, l’argent ne l’intéressait pas.
C’est alors qu’il passe la main sous son manteau, sort un revolver et arme le chien !
« Cox a causé la mort de mon frère Bill Anderson, et je suis obligé de me venger » dit-il au caissier.
Cox ? Mais de qui parlait-il ?
En fait, Jesse croit avoir affaire à Samuel Cox, la personne à l’origine du meurtre de son ancien chef et ami Bloody Bill Anderson.
Sauf qu’il s’est trompé d’homme… La personne qu’il a en face de lui n’a rien à voir avec ce « Cox » ; l’homme s’appelle en réalité John Sheets.
Mais ne le sachant pas, il poursuit son action et presse la détente !
La balle traverse alors le cœur du caissier et, avant qu’il ne bascule de sa chaise, Jesse vise son front et tire une seconde fois.
Là, un otage de la banque tente de bondir vers la porte d’entrée, mais se fait surprendre par Jesse, qui se retourne et tire deux coups rapides.
Les cris de la victime ayant résonné jusqu’à l’extérieur, il est donc le moment de fuir pour les bandits.
Ils prennent le portefeuille laissé sur le bureau du défunt caissier et s’enfuient.
Lors de leur fuite à cheval, les gangsters essuient les tirs des habitants furieux de Gallatin et échappent de peu à la mort.
Finalement, le vol leur rapporte peu d’argent et Jesse, persuadé d’avoir vengé son ami Bloody Bill, n’a en réalité tué qu’un pauvre innocent.
John Sheets, l’homme tué par Jesse James à Gallatin (à gauche), et Samuel Cox, la personne à l’origine du meurtre de Bloody Bill Anderson.
Suite au braquage de Gallatin, Jesse James est qualifié pour la première fois de hors-la-loi dans la presse.
Et le gouverneur du Missouri, Thomas Crittenden (priez de bien retenir ce nom) offre une récompense pour sa capture.
C’est d’ailleurs après ce tragique incident que le mythe de Jesse James commence à prendre racine, et ce, grâce à un homme : John Newman Edwards, le fondateur du Kansas City Times, journal du Missouri.
Eh oui, difficile de parler de Jesse James sans évoquer John Edwards. Sans lui, Jesse James serait très probablement tombé dans l’oubli, comme tant d’autres criminels.
Farouche partisan de la cause confédérée, Edwards cherche en effet un moyen de mettre en avant ses idéologies politiques. En découvrant Jesse James, il voit en lui la meilleure façon de le faire.
Après le meurtre de Gallatin, il s’associe alors avec le hors-la-loi et promeut ses exploits dans son journal à travers pléthores de lettres que Jesse écrit lui-même.
Dans ces missives, le jeune rebelle affirme son innocence au public puis, au fil du temps, le ton de ses écrits devient de plus en plus politique. Jesse encense la cause confédérée et dénonce la politique de ses ennemis.
Edwards dira alors de Jesse :
« Il y a toujours un sourire sur ses lèvres, un mot gracieux ou un compliment pour tous ceux qu’il côtoie… Jesse rit de tout. Frank de rien du tout. Jesse est léger, téméraire, insouciant. Frank est discret, sédentaire et dangereux (…). Jesse sait que sa tête est mise à prix et discute du pourquoi et du comment de la chose – Frank le sait aussi, mais cela ne fait que l’irriter. »
La légende du bandit vengeur à la cause politique vient ainsi de naître.
Un portrait de John N. Edwards.
Jesse James à l’âge de 22 ans.
Frank James.
Par la suite, les frères James s’associent avec les frères Younger : Cole, John, Jim et Bob, et forment le gang James-Younger (en faisait également partie Clell Miller et d’autres anciens bushwhackers).
Avec sa nouvelle bande, Jesse continue les braquages.
L’un d’eux se déroule le 3 juin 1871 dans l’Iowa.
Ce jour-là, Jesse, son frère Frank, Cole Younger et Clell Miller pénètrent dans la ville de Corydon.
Les rues sont désertes, il n’y a pas un chat.
La quasi-totalité des habitants de la ville s’est en effet réunie dans la cour de l’église pour assister au discours d’un célèbre orateur.
Jesse et sa bande se dirigent donc tranquillement à la banque, où seul le caissier est présent.
Autant vous dire que pour les bandits, le braquage est un jeu d’enfant : ils prennent les quelque 6 000 dollars du coffre et repartent.
Sur le chemin du retour, ils passent alors à côté du lieu où l’orateur fait son discours, mais aucun habitant ne prête attention à eux.
Là, un des hommes de la bande en a assez et avoue leur méfait à la foule !
Puis, Jesse et ses complices quittent les lieux comme si de rien n’était.
Une insolence qui ne va cependant pas être sans conséquence, puisque le propriétaire de la banque volée requiert les services de la Pinkerton’s National Detective Agency, agence de détective qui partira bientôt en chasse pour retrouver Jesse James.
Le gang James-Younger ne refait surface qu’en avril 1872 pour braquer une banque située dans la ville de Columbia, dans le Kentucky.
Le casse est réalisé par Jesse, Frank, Cole Younger et son frère John, ainsi que Clell Miller.
Cette fois-ci, le butin est plutôt maigre, les bandits récupèrent entre 600 et 1 500 dollars.
Lors du braquage, Jesse James et Cole Younger avaient alors tués le caissier de la banque.
La raison ? Il avait refusé d’ouvrir le coffre.
En septembre de la même année, les bandits remettent ça.
Ils ciblent cette fois-ci le coffre d’une foire à Kansas City.
Jesse James, Cole et John Younger sont de la partie, et… le moins que l’on puisse dire, c’est que le braquage a été particulièrement raté…
Au milieu des milliers de personnes présentes à la foire, les bandits récupèrent en effet un maigre butin (900 dollars environ) et surtout, lors de leur fuite, ils piétinent et tuent accidentellement avec leurs chevaux une malheureuse jeune fille…
Ainsi, le temps passe et les autorités n’arrivent toujours pas à mettre la fin sur Jesse et sa bande.
À ce moment-là, elles sont loin de se douter de ce qui allait suivre : Jesse James, dans sa quête de vengeance, veut désormais s’attaquer aux artères mêmes de l’Union, les chemins de fer.
Dans les années 1870, les chemins de fer sont en plein expansion et se développent dans tous les États-Unis d’Amérique.
Un développement que Jesse voit d’un mauvais œil. Pour lui, il s’agit d’une autre oppression du Sud par le Nord.
Alors, il décide d’en faire sa prochaine cible.
À l’époque, les locomotives sont vulnérables du fait qu’elles circulent sur une seule voie et que la plupart d’entre elles sont sans défense.
L’argent du Nord transitant énormément grâce à ce moyen de transport, pas étonnant que les bandits confédérés le ciblent.
C’est la proie parfaite.
Leur premier vol de train se déroule le 21 juillet 1873, à l’ouest d’Adair, au fin fond de l’Iowa.
Jesse, Frank, les frères Younger, Clell Miller, Charlie Pitts et Bill Chadwell partent en direction d’un tronçon isolé de chemin de fer.
Leur cible : le train du Chicago Rock Island & Pacific Railroad.
L’emplacement qu’ils ont choisi est idéal, car le chemin de fer forme à cet endroit-là une courbe qui obligera inévitablement le train à ralentir.
Avec un pied-de-biche et un marteau, ils préparent donc un sabotage sur la voie ferrée, puis se cachent à une quinzaine de mètres et attendent l’arrivée de la locomotive.
Il est 20 h 30 quand la machine à vapeur arrive. C’est le moment pour les bandits d’activer leur sabotage : ils tirent sur une corde reliée à un rail pour le dévier de la voie ferrée.
À l’approche du virage et du rail retiré, le train freine alors brusquement, mais il est trop tard !
Les malfaiteurs ouvrent le feu et une partie des wagons se renversent.
L’ingénieur du train meurt sur le coup, écrasé par la locomotive.
Les gangsters, choqués par ce qu’ils viennent de voir, ne perdent pas de temps et suivent immédiatement leur plan. Chaque bandit occupe sa place respective :
- Deux d’entre eux montent la garde à l’extérieur, l’un de chaque côté du train ;
- Deux autres surveillent les passagers à l’intérieur ;
- Et le reste monte dans le deuxième wagon à bagages.
Pour réaliser ce vol, les hors-la-loi choisissent alors un déguisement pour le moins étonnant.
Tous arborent en effet un masque à l’effigie du Ku Klux Clan.
C’est Jesse qui s’occupe du coffre-fort.
Il saute dans le wagon express, enlève son masque et pointe son revolver sur le gardien :
« Si tu n’ouvres pas le coffre ou si tu ne me donnes pas la clé, je te fais sauter la cervelle ».
La clé lui est donnée sans résistance et Jesse trouve un butin bien moins conséquent que ce que le gang avait prévu : environ 2 337 dollars (l’équivalent de 50 000 dollars actuels).
Après ça, les bandits se remettent en selle et fuient vers le sud.
Le vol n’avait duré que dix petites minutes.
La compagnie de chemin de fer volée offre ainsi 5 000 dollars pour leur capture, et le braquage fait les gros titres dans tout le pays.
Lors de cette attaque de train, un des hors-la-loi aurait alors dit aux passagers :
« Nous ne sommes pas des petits voleurs, nous sommes des voleurs audacieux. Nous volons aux riches pour donner aux pauvres. (…) Nous ne voulons pas vous faire de mal (…) ».
Jesse et sa bande semblaient à présent vouloir adopter une image de Robin des Bois, ceux qui vengent les pauvres travailleurs des grandes et riches sociétés.
Un discours généreux de prime abord, mais leur choix de déguisement ce jour-là ne passe pas auprès d’une partie de la population américaine.
Le Ku Klux Clan a en effet été éradiqué dans le Sud par le président Ulysse Grant, et l’utilisation du masque par les bandits a donc été, pour ainsi dire sujet à controverse.
Mais malgré cela, Jesse James renforce sa réputation de hors-la-loi notoire.
Dans les États du Sud, il n’est plus considéré comme un criminel, mais comme un héros.
Sa dévotion pour la cause confédérée n’est plus à prouver, et le braquage de la diligence entre Malvern et Hot Springs, en Arkansas le 15 janvier 1874, en est la parfaite démonstration.
Ce jour-là, Jesse et sa bande volent la montre d’un vétéran sudiste.
Ne sachant qu’après qu’il avait jadis défendu la Confédération, ils la lui rendent immédiatement.
Ils ne veulent pas voler les vétérans confédérés, diront-ils, mais « les hommes du Nord les ont poussés à devenir hors la loi, et ils ont l’intention de les faire payer pour cela. »
Les frères Younger, de gauche à droite : Bob, Jim et Cole.
Le 31 janvier 1874, le gang James-Younger braque son deuxième train. Le casse se déroule à Gad’s Hill, dans le Missouri ; à ce moment-là, il y a dans la bande les frères James, Cole, John et Bob Younger.
La nuit précédente, le gang a repéré plusieurs hommes marchant sur le quai de la gare.
Pour mener leur mission à bien, les hors-la-loi les ont donc capturés et attachés.
Ensuite, ils ont récupéré un drapeau rouge (utilisé pour signaler un danger à venir) et ont attendu l’arrivée du train.
Apparemment, celui-ci transportait une importante quantité d’argent liquide.
La locomotive arrive avec une heure et demie de retard, les bandits ont attendu de longues heures dans le froid de janvier, mais ils sont fins prêts.
L’un d’eux agite alors le drapeau rouge et force le train à ralentir.
Son conducteur sort pour voir ce qui se trame quand soudain, un des bandits s’avance, l’attrape par le col et lui colle un revolver contre le visage :
« Ne bouge pas ou je te fais sauter la tête ».
Puis, le hors-la-loi se tourne vers la locomotive dans laquelle se trouvent les passagers et dit :
« Si un seul coup de feu est tiré du wagon, je tuerai le conducteur ».
Comme pour leur braquage en Iowa, les gangsters arborent un masque à l’effigie du Ku Klux Klan.
En réalité, leur plan est semblable à leur premier vol de train.
À l’extérieur, un membre de la bande chevauche son cheval le long du train tout en tirant en l’air et criant aux passagers de ne pas sortir.
À l’intérieur, le gardien du coffre, revolver à la main, attend nerveusement l’arrivée des malfaiteurs. Un visage masqué apparaît alors dans l’embrasure de la porte et le gardien pointe son arme, puis se fige. Il n’y avait pas un, mais deux bandits en face de lui !
Là, l’un d’eux dirige son fusil sur la poitrine du gardien :
« Donne-moi ton revolver, fils de pute ».
Le gardien ne joue pas au héros et s’exécute immédiatement, puis il lui donne la clé du coffre.
Les bandits récupérèrent environ 1 080 dollars.
Après le pillage du coffre, les hors-la-loi parcourent les rangées de passagers et les dépouillent de leur argent ainsi que de leurs bijoux.
Fait étonnant, ils regardent attentivement les mains de chaque homme, et déclarent aux passagers qu’ils ne veulent ni voler les ouvriers, ni voler les dames, et que ce qu’ils recherchent est uniquement l’argent et les objets de valeur de ces messieurs à chapeau.
Les bandits auraient même rendu l’argent d’un pasteur, lui demandant au passage de prier pour eux.
Dès lors, une fois les passagers du train volés, le groupe de hors-la-loi prend la fuite et disparaît avant même que la locomotive reparte.
Ils avaient volé au total près de 2 000 dollars.
Mais derrière eux, les bandits laissent étrangement un communiqué de presse pour l’un des journaux locaux, dans lequel il est écrit :
« Le vol le plus audacieux jamais enregistré. Le train en direction du sud sur le chemin de fer Iron Mountain a été dévalisé ici ce matin par cinq hommes lourdement armés, et volé de_____dollars ».
La suite du communiqué décrit après le braquage avec une grande précision, montrant que tout s’est effectivement déroulé comme prévu.
Il semblerait que ce soit Jesse James qui ait été à l’origine de ce message.
Jesse James et sa bande viennent donc de réussir leur deuxième vol de train.
Rien ne semblent pouvoir les arrêter. De braquage en braquage, ils se perfectionnent, et…ils ne comptent pas s’arrêter de sitôt.
Maintenant, souvenez-vous de la Pinkerton Detective Agency, cette agence de détective qui a été dépêchée par le propriétaire de la banque volée à Corydon, dans l’Iowa.
Eh bien, l’Adams Express Company, la société qui possédait le coffre-fort cambriolé de Gad’s Hill, les contacte également.
Elle veut en effet absolument arrêter le gang James-Younger, et pour cela, elle s’adresse au chef de l’agence, Allan Pinkerton.
À cette époque, Allan Pinkerton est le détective privé le plus célèbre du pays.
Il s’est fait connaître pendant la guerre de Sécession pour avoir assuré la sécurité d’Abraham Lincoln à Washington, et pour avoir aussi déjoué un complot d’assassinat contre lui.
Cet unioniste, farouchement opposé à l’esclavage, crée son agence dans les années 1850.
Ses services ont la réputation d’être très efficaces.
Le but de l’agence Pinkerton (que l’on pourrait qualifier d’ancêtre du FBI et de la CIA) est d’espionner et de traquer les criminels professionnels.
L’un de ses plus grands exploits s’était déroulé en 1868, lorsqu’elle avait capturé et vaincu le gang de Reno (une bande de hors-la-loi connue pour avoir commis les trois premiers braquages de trains en temps de paix de l’histoire des États-Unis).
Après le braquage de Gad’s Hill, l’Adams Express Company contacte donc son chef, Allan Pinkerton.
Sa mission est alors d’abattre Jesse James.
Il envoie pour cela l’un de ses plus talentueux agents, le détective Joseph Whicher.
Son but ? Se rendre dans le comté de Clay, infiltrer la ferme des James et rapporter le maximum d’informations.
Arrivé là-bas, les choses sont toutefois plus difficiles que prévu. Les forces de l’ordre locales refusent d’aider l’agent, qui n’a pas d’autre choix que de se déguiser en ouvrier agricole pour récolter les renseignements dont il a besoin.
Mais même comme ça, il a du mal à obtenir ce qu’il cherche. Whicher, en Nordiste qu’il est, se trouve en territoire hostile. Jesse James a en effet de nombreux amis prêts à le défendre dans le comté de Clay, et de plus, dans le Sud, il est considéré comme un héros depuis qu’il a vengé les confédérés grâce à ses multiples braquages.
Et…cerise sur le gâteau : peu de personnes savent à quoi il ressemble. De sorte que si vous n’aviez pas grandi ou combattu avec Jesse James, alors vous ne saviez pas à quoi pouvait ressembler.
Finalement, tout ce dont les autorités disposent ne sont que des descriptions de témoins oculaires, qui ne sont, disons, que très aléatoires et fluctuantes.
Le plus incroyable dans tout ça, c’est que son propre fils (qu’il aura plus tard) ne connaissait pas son véritable nom !
Pour Whicher donc, la tâche est loin d’être évidente.
En persévérant, il réussit tout de même à trouver ce qu’il recherche : l’emplacement de la ferme des James.
Pour l’infiltrer, Whicher veut se faire passer pour un ouvrier à la recherche de travail.
Arrivé à la ferme, Zerelda James l’accueille et Whicher lui formule sa demande : il veut travailler dans ses champs, mais, il ne se doute pas que son teint pâle et ses mains lisses vont le trahir…
Whicher est confiant, malgré le fait qu’il a été prévenu par l’ancien shérif du coin qui lui a dit :
« La vieille femme te tuera si les garçons ne sont pas là ».
Ce qui se passe ensuite relève du mystère.
Tout ce que l’on sait, c’est que Joseph Whicher est retrouvé abattu de trois balles le long d’une route rurale dans le comté de Jackson. Trois personnes auraient été à l’origine du meurtre, dont Jesse James et son frère Frank.
Après le meurtre de Joseph Whicher, Jesse entre ainsi dans une colère noire.
Rien ne l’énerve plus que d’être traqué.
Mais les jours passent et le bandit se calme peu à peu.
Il décide alors de se marier avec sa cousine germaine Zee Mimms, avec laquelle il aura deux enfants. : Jesse James Jr. et Mary James.
Durant sa lune de miel, on raconte qu’il aurait braqué plusieurs diligences avec son gang.
Ouais, il semblait que Jesse James ne perdait pas de temps.
De son côté, Allan Pinkerton apprend la nouvelle de la mort de Whicher.
C’est l’un de ses plus gros échecs.
Il décide donc de prendre l’affaire personnellement et de se venger de Jesse.
Le gang James-Younger lui continue les braquages, en s’en prenant cette fois-ci à un train près de Muncie, dans le Kansas.
Le casse se déroule le 8 décembre 1874, et les bandits repartent avec un butin de 30 000$ ! (l’équivalent de 750 000 aujourd’hui ).
La gare qu’ils choisissent pour réaliser ce vol est isolée et ressemble à celle de Gad’s Hill : quelques petites maisons aux alentours et un simple arrêt de train, situé dans un endroit presque désert.
Avec Jesse ce jour-là, il y a :
- Son frère Frank ;
- Cole et Bob Younger ;
- Clell Miller ;
- Et Bill McDaniels.
Arrivés au dépôt ferroviaire, les bandits ordonnent ainsi aux ouvriers qui y travaillent d’empiler des traverses de chemin de fer sur les voies.
Une fois la tâche accomplie, ils ligotent les cheminots, les bâillonnent et les cachent dans un hangar voisin.
La locomotive qu’ils attendaient s’approche alors, puis ralentit brusquement.
Pour les gangsters, c’est le moment de passer à l’action.
Ils se précipitent vers le train et tirent des coups de feu en l’air.
Leur cible : un wagon à bagages dans lequel se trouve leur butin.
Très vite, le gardien du coffre se retrouve avec un revolver sur la tempe et une carabine Winchester pointée sur lui. Sur leur ordre, il déverrouille le coffre sans aucune hésitation et leur donne son contenu.
Les bandits repartent avec un butin qui s’élève à 30 000 $ ! (l’équivalent de 750 000 aujourd’hui). En quittant la zone, ils font signe à l’équipage du train, et leur dit :
« Au revoir, les gars, sans rancune. Nous ne vous avons rien pris ».
Tout va donc pour le mieux pour Jesse qui, du haut de ses 27 ans, est devenu l’un des braqueurs les plus prospères de son temps. Il est connu dans tout le pays et fait les gros titres grâce à Edwards, qui le glorifie dans son journal. Il est marié à une femme qu’il aime et a surtout défait la redoutable agence Pinkerton.
Qui ne se serait pas senti invincible à sa place ?
Et pourtant… la partie était loin d’être gagnée.
Ses ennemis de longue date préparaient la riposte…
Après le meurtre de Joseph Whicher et son cuisant échec, Allan Pinkerton se sent en effet terriblement humilié.
Celui qui était à la tête de la grande agence privée de détectives n’entend pas en rester là.
La fin justifiant désormais les moyens, il est prêt à faire une exception en opérant en dehors des limites de la loi.
Tout se passe la nuit du 25 janvier 1875, lorsqu’un groupe d’agents dépêchés par Allan Pinkerton encercle la ferme des James, jette une bombe et fait sauter la maison dans laquelle ils espèrent trouver Jesse.
Les conséquences de cet incendie sont terribles :
- Zerelda James, présente cette nuit-là, est gravement touchée au bras droit, et doit être amputée ;
- Archie, le demi-frère de Jesse, âgé de 8 ans, meurt lui quelque temps après l’explosion ;
- Quant à Jesse et son frère Frank, eh bien… ils n’étaient tout simplement pas là . Présents quelques heures auparavant, les agents de Pinkerton les avaient loupés de peu…
Jesse, déjà bien en colère depuis que les détectives le traquaient, l’est donc encore davantage lorsqu’il apprend cette nouvelle.
Pour lui, Allan Pinkerton et ses agents sont les oppresseurs du Nord, le mal absolu, des types qui enfreignent la loi dans l’intérêt des grandes entreprises.
Ces derniers lui donnent finalement encore plus de raisons de se venger, et le fait que les agents impliqués dans le raid n’aient jamais été jugés après cet incident n’arrange rien…
Sa vengeance ne se fait d’ailleurs pas attendre puisque, le 12 avril 1875, Jesse abat Daniel Askew, un voisin de la ferme des James et ancien milicien de l’Union ayant aidé les détectives de Pinkerton lors du raid.
Après ce meurtre, Allan Pinkerton abandonne ainsi la traque du gang James-Younger et connaît sa plus grande défaite.
Jesse James lui avait tenu tête comme personne auparavant, et sa réputation était complètement ruinée…
Portrait d’Allan Pinkerton.
Carte de l’agence Pinkerton.Jesse James à l’âge de 28 ans.
Une attaque trop audacieuse
Suite à l’abandon d’Allan Pinkerton, les hors-la-loi poursuivent leurs casses.
Ils souhaitent à présent dévaliser un train près d’Otterville, dans le Missouri.
Le braquage a lieu le 7 juillet 1876.
Dans la bande, il y a : Jesse et Frank James, Cole et Bob Younger, Clell Miller, Charlie Pitts, Bill Chadwell et un nouveau venu nommé Hobbs Kerry.
Le lieu qu’ils choisissent ressemble à leurs précédents braquages : une voie ferrée isolée et éloignée, parfaitement adaptée pour perpétrer un vol en toute discrétion.
Et comme pour leurs précédents vols, les braqueurs arborent tous un masque à l’effigie du Ku Klux Klan, sauf Jesse James, qui le retire ce soir-là.
L’opération commence au coucher du soleil.
Les bandits font prisonnier le seul ouvrier présent sur place et bloquent le chemin de fer.
22 h, la locomotive arrive.
Leur prisonnier agite une lanterne pour arrêter le train, qui freine progressivement.
De l’autre côté, Bill Chadwell se précipite pour jeter quelques rails en travers des voies pour bloquer toute éventuelle retraite.
Lorsque le train s’arrête enfin complètement, le gardien du coffre-fort se tient dans l’embrasure d’une porte, à l’intérieur d’un wagon.
Il regarde et entend :
« Tirez sur ce fils de pute ! »
Là, une balle percute le cadre de la porte où il se trouve.
Lorsque Jesse trouve le gardien du coffre, il lui dit :
« Avancez maintenant et déverrouillez ce coffre sans faire de bruit ».
Mais le gardien nie posséder la clé ; alors Jesse, réplique :
« Trouvez-la vite, ou je vous tue ».
Le gardien qui, en réalité, l’a cachée juste avant que les bandits n’arrivent, s’exécute.
Malheureusement pour eux, aucune des clés données ne permet d’ouvrir le coffre, alors ils emploient la manière forte : ils utilisent un lourd objet en fer et le tour est joué.
Ils récupèrent ce pour quoi ils étaient venus puis repartent.
Avant de sauter de la locomotive, Jesse se tourne alors vers le gardien du coffre et lui dit :
« Dites à Allan Pinkerton et à tous ses détectives de nous chercher en enfer ».
Ensuite, il fait un signe de tête au capitaine du train et dit :
« Maintenant, Cap’taine, vous pouvez prendre votre vieille machine et aller de l’avant ».
Leur butin s’élevait à 18 300 $.
Une importante somme d’argent qui devait servir aux hors-la-loi à financer un voyage au Minnesota. Pourquoi le Minnesota ?
En fait, cela faisait plus d’un mois que Jesse et sa bande préparaient un coup.
Un braquage de banque pour le moins audacieux…
En apparence, réaliser un deuxième vol en si peu de temps n’avait aucun sens. Cela aurait été bien trop dangereux, surtout après un braquage de train d’une telle envergure.
En fait, il semblait que les bandits n’étaient pas été intéressés par l’argent à ce moment-là.
Non, leur motivation était tout autre : ils voulaient à présent passer aux choses sérieuses, et frapper au cœur de l’ennemi !
Ce plan de longue date, le gang James-Younger le met à exécution deux mois après le vol d’Otterville.
Le jour J est fixé au 7 septembre 1876.
Jesse et ses complices sont en route vers une paisible ville du Minnesota.
L’idée du casse était venue de Jesse James et Bob Younger : ils allaient voler la First National Bank de Northfield.
Une cible plutôt étonnante puisqu’elle se situait loin de leur région et qu’elle était en territoire ennemi, dans le Nord.
Frank James et Cole Younger essayeront alors de dissuader leurs petits frères de commettre l’impensable, mais ils n’y parviendront pas…
La vengeance personnelle de Jesse ne semblait plus avoir de limites.
La banque rurale qu’ils visaient n’était pas exceptionnellement riche. Les bandits l’avaient choisie car elle était associée à Adelbert Ames, le gouverneur unioniste du Mississippi.
Ce jour-là, sont présents dans la bande : Jesse, Frank, Cole, Jim et Bob Younger, Clell Miller, Charlie Pitts et Bill Chadwell.
Pour réaliser cet incroyable braquage, les bandits décident ainsi de se séparer en trois groupes :
- Un qui doit pénétrer à l’intérieur de la First National Bank ;
- L’autre qui doit monter la garde à l’extérieur ;
- Et le dernier, qui a pour mission de protéger leur chemin de retraite préalablement prévu.
Jesse et Bob se portent volontaire pour entrer dans la banque, étant donné que ce sont eux qui ont organisé le braquage. Frank les rejoint également.
Cole Younger et Clell Miller quant à eux doivent se positionner à l’extérieur de la banque pour surveiller la zone.
Enfin, Jim Younger, Charlie Pitts et Bill Chadwell ont pour mission de se poster à l’arrière-garde.
Sur cette image, la banque de Northfield est située en dessous de l’enseigne noire à gauche.Pont et sortie de la ville de Northfield.
Leur plan est le suivant :
- Jesse, Frank et Bob entreraient dans la ville de Northfield en premier. Ils franchiraient le pont qui les mènerait à la place publique vers une heure de l’après-midi.
- Cole Younger et Clell Miller entreraient ensuite en ville à leur tour. Et c’est là que le groupe de Jesse pénètrerait dans la banque.
- Une fois que Cole et Clell atteindraient l’extérieur du bâtiment, le groupe de Jim entrerait alors à son tour dans Northfield et couvrirait le chemin de retraite.
- Le braquage réalisé, les bandits se réuniraient vers le point de sortie.
Bill, Clell et Bob détruiraient ensuite les lignes télégraphiques et le gang s’enfuirait. - Enfin, il était décidé qu’aucun citoyen ne devait être tué. Si quelqu’un leur tirait dessus, ils devaient le blesser en retour, mais en aucun cas il ne devait y avoir de mort.
13 h, les bandits passent à l’action.
Jesse, Frank et Bob traversent le pont et se dirigent vers la place publique.
Là-bas, ils s’asseyent sur des caisses et attendent que Cole et Clell fassent leur apparition.
Bientôt, le deuxième groupe entre en ville.
14 h précises, Jesse, Bob et Frank entrent dans la First National Bank, laissant bizarrement la porte entrouverte.
Cole et Clell arrivent à leur tour à la banque, et descendent de leurs chevaux.
Voyant la porte d’entrée de l’établissement entrouverte, Clell la referme immédiatement.
Les deux hommes attendent ainsi sagement à l’extérieur.
Cole promène son cheval au milieu de la rue et fait semblant d’ajuster la sangle de sa selle, tandis que Clell fume sa pipe devant la banque.
Jim, Charlie et Bill, quant à eux, atteignent le point de sortie à couvrir, et attendent tranquillement sur leur monture.
À l’intérieur de la banque, Jesse et ses complices repèrent les employés , au nombre de trois : Alonzo Bunker (le guichetier), Joseph Lee Heywood (le caissier intérimaire) et Frank Wilcox (le comptable).
D’emblée, ils sortent leur arme et les pointent sur eux :
« Mains en l’air ! Nous comptons dévaliser cette banque. Et si vous criez, nous vous ferons sauter la cervelle » annonce Jesse.
Puis le trio de hors-la-loi saute par-dessus le comptoir.
Jesse demande à Heywood s’il est le caissier, et Heywood lui répond par la négative.
La même question est posée à Bunker et Wilcox, mais aucun ne répond par l’affirmative.
Jesse porte du coup son attention sur Heywood :
« Tu es le caissier. Maintenant ouvre le coffre, espèce de fils de pute. »
Mais Heywood refuse.
Pendant ce temps, Frank se dirige vers la chambre forte pour inspecter le coffre, et Bob pointe ses armes sur les deux autres employés.
Frank est sur le point d’entrer dans la pièce quand soudain, Heywood se jette sur la porte pour tenter de l’enfermer à l’intérieur.
Frank réussit à sortir juste à temps, mais il est blessé, son bras et sa main sont touchés.
Avec la crosse de son revolver, Bob frappe Heywood, qui tombe à terre.
Le braquage commençait mal…
Mais à l’extérieur, ce n’était pas mieux.
En effet, deux citoyens de Northfield remarquent très vite la présence louche de Cole Younger et de Clell Miller devant la banque.
L’un d’eux s’approche alors de l’établissement, mais Clell l’en empêche en le saisissant par le col ! Cependant, l’individu a pu voir ce qui se tramait à travers un des fenêtres de la banque.
« Espèce de fils de pute, ne crie pas » lui chuchote Clell.
À ce moment-là, Clell fait une grave erreur : au lieu de pousser l’individu dans la banque afin qu’il n’éveille aucun soupçon, il le relâche à l’extérieur.
Il ne faut dès lors pas longtemps à l’habitant de Northfield pour prévenir ses concitoyens :
« Prenez vos armes, les gars ! Ils sont en train de cambrioler la banque ! »
« Au voleur ! Au voleur ! » hurle un autre.
Clell ouvre alors le feu sur ce dernier, et la balle passe de peu à côté de sa tête.
Le braquage tournait au vinaigre !
Cole et Clell montent alors sur leurs chevaux, commencent à charger dans les rues et crient à leurs acolytes à l’intérieur de la banque, tout en tirant vers le ciel :
« Montez ! Rentrez ! »
De leur côté, Jim, Bill et Charlie entendent le premier coup de feu et partent immédiatement à la rescousse en tirant également en l’air pour dissuader les habitants de la ville.
Malheureusement pour eux, cela ne suffit pas.
Les citoyens de Northfield s’étaient déjà munis de leurs armes et commençaient à ouvrir le feu.
Les balles fusent alors de partout !
À l’intérieur de la banque, le premier groupe ne trouve toujours pas de moyen d’ouvrir le coffre.
Heywood, après le coup de crosse de Bob, est toujours étendu sur le sol.
C’est alors que Jesse s’approche de lui, s’agenouille, sort un couteau de sa poche et le place sur le cou du caissier :
« Ouvre le coffre, ou je te coupe ta foutue gorge d’une oreille à l’autre ».
Heywood, bien que terrifié, lui répond qu’il peut la lui trancher puisqu’il ne peut absolument pas l’ouvrir.
Irrité et frustré, Jesse lui fait dès lors une légère entaille sur le cou. Puis, il pointe son revolver sur Heywood et lui ordonne une nouvelle fois d’ouvrir le coffre.
Le caissier répond finalement que ce dernier est équipé d’une minuterie et qu’à ce titre, il ne peut pas s’ouvrir.
(Heywood disait vrai, il y avait bien une minuterie sur le coffre, mais elle n’était pas activée ! En fait, le coffre était déverrouillé pendant tout ce temps, mais les bandits ne le savaient pas).
À ce moment-là, Bob s’occupe de mettre tous les billets qu’il trouve en vrac dans un sac.
Frank, lui, surveille Wilcox, le comptable de la banque.
Pour Bunker, le guichetier, c’est l’occasion de prendre la fuite ! Il se précipite vers la porte arrière, quand Bob le remarque et se lance à sa poursuite. Il lui tire une balle, qui l’atteint à l’épaule, le faisant trébucher, mais il se relève et réussit à s’enfuir :
« Ils braquent la banque ! Au secours ! » crie-t-il dans la rue.
Cole passe ensuite devant la banque et crie à Jesse, Frank et son frère Bob :
« Dépêchez-vous ! Ils ont donné l’alarme ! »
Les balles continuent toujours à fuser dans tous les sens.
Cole se défend comme il peut.
À cet instant, il voit un jeune homme au milieu de la rue, paralysé par la peur.
Sur son cheval, Cole, qui se trouve juste à côté de lui, lui crie :
« Dégage de cette foutue rue ! »
Malheureusement, le jeune homme (un immigrant suédois) ne parlait ni ne comprenait l’anglais, il ne pouvait donc pas saisir ce que Cole lui disait.
Il reçoit dès lors une balle en plein tête ! (et mourra quelques jours plus tard).
Pendant ce temps, Clell Miller cavale à son tour jusqu’à la banque pour dire à Jesse et aux autres de se dépêcher.
Mais lorsqu’il repart et remonte sur son cheval, il se prend une balle !
Clell hurle de douleur mais continue tout de même à tirer avec ses revolvers.
Cole et Jim reçoivent quant à eux une balle à l’épaule gauche.
Plus loin, se trouve Bill Chadwell, qui tire au hasard. Il est touché par un citoyen de Northfield en plein cœur, à 70 mètres de distance !
Il meurt avant de toucher le sol.
De son côté, Clell hurle toujours.
Il prend à ce moment-là une deuxième balle sous l’épaule gauche qui le fait tomber de son cheval la tête la première !
Cole, qui voit son camarade touché, accourt vers lui.
Il utilise son cheval comme couverture pour l’examiner, mais Clell ne répond plus.
C’en était fini de lui…
Là, une balle transperce la cuisse gauche de Cole, qui réussit quand même à se hisser sur son cheval.
Il repart devant la banque et crie encore une fois à ses acolytes :
« Ils tuent nos hommes ! Sortez d’ici ! »
À l’intérieur, Jesse est furieux. Il avait tiré une balle au sol qui avait frôlé la tête de Heywood.
Mais c’en est trop pour Bob qui décide d’abandonner le braquage.
Avec son sac d’argent, il court dehors.
Jesse le suit, et Frank ferme la marche.
Dès lors, au moment de sortir de la banque, Frank aurait vu Heywood se relever, sortir un pistolet de petit calibre et le pointer sur lui.
D’un geste rapide, il fait sauter la cervelle du caissier !
Une fois dehors, Jesse et Frank montent en selle et commencent à charger la rue où les balles fusent encore.
Frank s’en prend une à la jambe droite, et Jim une deuxième à l’épaule droite.
Bob, lui, est à pied : son cheval était mort et il devait absolument trouver un moyen de fuir.
Il essaie de capturer les chevaux des défunts Bill et Clell, mais n’y parvient pas.
Du coup, il s’abrite sous un escalier en bois et se défend comme il peut.
Il reçoit à ce moment-là une balle en plein coude droit qui lui brise le bras.
Il hurle de douleur mais continue de tirer sur les habitants de Northfield.
Toute la bande prend alors la fuite vers la sortie de la ville.
Jesse, un des rares à être indemne, l’atteint en premier, suivi de Frank, Jim, Charlie et Cole.
Il ne restait plus que Bob, qui sortait à cet instant de sa cachette :
« Ne me laissez pas, les gars ! On m’a tiré dessus ! »
Son frère Cole l’ayant entendu, il fait immédiatement demi-tour pour l’aider.
Bob est à pied et court à sa rencontre.
Charlie, qui couvrait Cole pendant tout ce temps, reçoit soudainement une balle au bras gauche.
À ce moment-là, tous les tirs sont concentrés sur Cole et Bob !
Lorsque les deux frères se rejoignent, Bob est touché à la jambe gauche, mais Cole rassemble toutes ses forces et le hisse sur son cheval.
Il n’y a plus de temps à perdre, les frères repartent aussi vite que possible rejoindre le reste du groupe.
Là, Cole reçoit trois balles supplémentaires dans le corps.
Ils retrouvent ensuite Charlie à la sortie de la ville.
Les 3 chevauchent alors à une vitesse folle pour rattraper Jesse et les autres.
Finalement, le gang James-Younger, ou du moins ce qu’il en reste, arrive à quitter la ville de Northfield.
Le braquage était un fiasco total.
Les hors-la-loi n’avaient volé que 26 malheureux dollars…
Leur calvaire n’était pourtant pas fini.
La plus grande chasse à l’homme de l’histoire des États-Unis était en effet sur le point de commencer.
Intérieur de la First National Bank de Northfield.Clell Miller et Bill Chadwell morts.
Charlie Pitts (mort) et les frères Younger après leur capture.
De haut en bas : Charlie Pitts, Cole Younger, Jim Younger et Bob Younger.
Recrue fatale
Les habitants de Northfield avaient donc tenu tête au redoutable gang James-Younger.
Mais maintenant qu’ils les avaient chassés hors de la ville, ils ne comptaient pas en rester là.
Leur mission : capturer les gangsters et les faire payer.
La nouvelle de leur traque se répand alors dans tout le pays, et au moins 1 000 personnes sont mobilisées dans une chasse à l’homme historique.
Les fugitifs, eux de leur côté, galopent aussi vite que leurs chevaux le peuvent, en allant vers le Sud.
Au bout d’une semaine, les bandits fuient toujours. Ils sont cependant au plus mal : leurs chevaux disparus, ils se dirigent désormais à pied vers l’ouest ; les frères Younger sont blessés, certains ont perdu leur manteau, souffrent du froid, et ils ont tous terriblement faim…
Les bandits décident donc de se séparer en deux groupes :
- Jesse et Frank d’un côté ;
- Et le reste de l’autre.
Durant leur cavale, les frères James sont exténués mais ils continuent tout de même à marcher sans relâche vers le territoire du Dakota.
Finalement, après avoir parcouru des centaines de kilomètres en territoire hostile et après avoir échappé à plus d’un millier de poursuivants, Jesse et Frank James sortent du pétrin sains et saufs.
On ne peut pas en dire autant de leurs camarades.
Charlie Pitts, Bob et Cole Younger, souffrant de la faim, sont trop imprudents lors de leur fuite, et se font tous coincer par les autorités.
Une fusillade a même lieu, et Charlie Pitts meurt suite à l’affrontement.
Les frères Younger, gravement blessés, seront alors bientôt condamnés à passer le restant de leur vie en prison…
Durant leur séjour carcéral, ils resteront cependant fidèles aux James, ne les dénonçant pas une seule fois.
Sous une nouvelle identité, Jesse et Frank passent les trois années suivantes à vivre paisiblement à Nashville, dans le Tennessee.
Pour Frank, c’est un mode de vie agréable, il est épanoui dans sa nouvelle vie de fermier.
Pour Jesse en revanche, c’est loin d’être le cas. Il n’arrive tout simplement pas à s’adapter à sa nouvelle vie. Il a connu sa première grande défaite en tant que hors-la-loi, et… son envie de vengeance ne s’est lui pas dissipé.
Il reforme alors un gang et repart mener son combat (sans Frank, qui se retirera partiellement entre-temps).
Le nouveau gang de Jesse réalise quelques braquages, mais ce n’est plus comme avant.
Ses hommes ne sont pas aussi aguerris que ses anciens camarades guérilleros. Ils se retournent les uns contre les autres et se font rapidement capturer.
À cette période, Jesse est toujours recherché dans tout le pays.
On raconte qu’à ce moment-là, il était devenu de plus en plus méfiant envers ses hommes, si bien qu’un jour, il en aurait tué un.
Au printemps 1880, l’un de ses amis lui présente deux jeunes frères originaires du Missouri : Charlie et Robert Ford.
Jesse se lie rapidement d’amitié avec Charlie (l’aîné) et le recrute dans la bande.
Les braquages continuent, puis arrive un moment où le gang est tellement amoindri qu’il ne compte plus que deux membres : Jesse James et Charlie Ford.
Sa tête mise à prix pour 5 000 $, Jesse doit pourtant continuer à surveiller ses arrières et avec uniquement Charlie à ses côtés, il n’est complètement rassuré.
De plus, ayant l’intention de braquer une banque à Platte City, il lui faut absolument un homme de confiance supplémentaire.
Cet homme, il le trouve en la personne du frère de Charlie : Robert Ford.
Mais… ce que Jesse ne sait pas, c’est que ce Robert Ford a mené des négociations secrètes avec le gouverneur du Missouri, Thomas Crittenden (souvenez de lui, on en parlait tout à l’heure).
Crittenden avait effectivement fait de de la traque de Jesse sa priorité absolue.
Il avait proposé à Robert Ford une énorme récompense en échange de sa capture.
Robert avait accepté, et maintenant qu’il se trouvait dans les rangs de Jesse, il lui fallait passer à l’action.
Robert met ainsi son grand frère Charlie au parfum.
Les 2, envahis par la peur, savent alors à quel point la tâche s’annonce difficile.
Charlie disait :
« Je savais qu’il [Jesse] était plus rapide que moi, et il était hors de question d’essayer de le tuer quand il portait ses armes. Il était si vigilant qu’aucun homme ne pouvait l’atteindre. »
Bien qu’intimidés, Charlie et Robert Ford s’obstinent pourtant dans cette mission et attendent de trouver le bon moment pour réaliser…l’impossible…
Charlie Ford (à gauche) et Robert Ford (à droite).Robert Ford et Jesse James.
3 avril 1882.
Jesse et les frères Ford s’apprêtent à réaliser leur braquage de banque à Platte City.
Avant cela, le trio de hors-la-loi prend le petit déjeuner dans la maison des James, à Saint-Joseph, dans le Missouri.
Après s’être restauré, Jesse et Charlie vont à l’écurie pour nourrir les chevaux.
À leur retour, ils se rendent dans le salon où se trouve Robert.
Jesse n’est à ce moment-là pas à l’aise, il a chaud dans sa tenue.
Il enlève donc son manteau, déboutonne son gilet et les jette sur son lit.
Puis, il s’exclame à haute voix :
« Je suppose que je vais enlever mes pistolets, de peur que quelqu’un ne les voie si je marche dans la cour ».
Il déboucle sa ceinture et… pose ses revolvers sur le canapé !
Sa femme Zee et ses enfants se trouvent dans la pièce d’à côté.
C’est alors qu’il lève les yeux, voit un tableau dans le salon et entreprend de le dépoussiérer.
Il prend une brosse, pousse une chaise, s’avance et commence à enlever minutieusement la poussière.
« Clic ! »
Jesse James entend soudain un son qui lui est bien trop familier.
Robert Ford vient d’armer le chien de son revolver !
Jesse se retourne, mais le coup de feu est déjà parti !
La balle l’atteint juste derrière la tête.
Les frères Ford avaient réussi leur coup.
Ils venaient de tuer l’homme le plus recherché d’Amérique.
La nouvelle du meurtre de Jesse James fait alors la Une des journaux de tout le pays.
Plus de 2 000 personnes assistent aux funérailles du célèbre hors-la-loi dans l’espoir d’apercevoir son cadavre.
À cette époque, beaucoup le considéraient déjà comme un héros, mais les circonstances entourant sa mort l’avaient dorénavant élevé au rang de martyr.
Après l’assassinat de Jesse James, Charlie et Robert Ford se rendront aux autorités, qui les accuseront de meurtre au premier degré. Ils plaideront ensuite coupables, seront condamnés à mort par pendaison et obtiendront un pardon du gouverneur Crittenden, et ce dans la même journée…
Finalement, ils ne recevront qu’une partie de la récompense, puis fuiront de l’État du Missouri.
Ils se produiront alors en spectacle et reconstitueront le meurtre sur scène dans tout le pays.
Charlie Ford, souffrant de tuberculose et dépendant à la morphine, se suicidera le 6 mai 1884 à Richmond.
Quant à Robert Ford, il n’échappera jamais à sa réputation de lâche ayant assassiné Jesse James.
Il sera abattu dans un saloon dix ans plus tard.
Son tueur sera lui condamné à la prison à vie, mais sera ensuite gracié par le gouverneur du Colorado après que 7 000 personnes ont signé une pétition en faveur de sa libération.
Après la mort de son petit frère, Frank James se rendra auprès des autorités et sera jugé pour meurtre dans le Missouri.
Il sera déclaré non coupable, tout comme deux autres affaires pour lesquelles il sera jugé.
Une fois libre, il se retirera pour mener une vie tranquille dans la ferme de sa famille.
Il mourra en 1915 dans la chambre où il était né.
La femme de Jesse, elle, mourra seule et ruinée.
Jesse James mort.
Conclusion
Jesse James était donc un personnage bien plus complexe qu’on pouvait le penser.
Ce n’était pas un simple hors-la-loi qui volait pour l’argent, il se battait pour une cause politique.
Toute sa vie, Jesse la mènera avec un sentiment de vengeance envers ceux qui l’avaient jadis défait.
Son exemple nous montre finalement à quel point les conflits d’une époque et le parcours d’une vie peuvent changer le cœur d’un homme.
Ce qui est sûr, c’est que son histoire, aussi tragique que fascinante, sera racontée avec passion pendant encore de nombreuses années.
Sources
https://www.goodreads.com/en/book/show/862966.Jesse_James
https://en.wikipedia.org/wiki/Jesse_James
https://en.wikipedia.org/wiki/Clay_County_Savings_Association_Building
https://en.wikipedia.org/wiki/James%E2%80%93Younger_Gang
https://www.linternaute.fr/actualite/guide-histoire/1790846-guerre-de-secession-causes-et-consequences-d-un-conflit-meurtrier/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_S%C3%A9cession
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/columbia.html
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/adair.html
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/timeline.html
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/gadshill.html
https://en.wikipedia.org/wiki/Reno_Gang#Lynchings
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/muncie.html
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/otterville.html
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/northfield.html
https://www.britannica.com/biography/Jesse-James-and-Frank-James
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/gallatin.html
https://www.angelfire.com/mi2/jamesyoungergang/hotsprings.html